« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Les pays d'Utopie

On peut analyser :

* L'Histoire des Sévarambes (Denis Veiras, 1677, voir note 1)

* L'Île de la raison (Marivaux)

* L'Île des esclaves (ibidem)

* Candide (Voltaire : l'Eldorado)

* Lettres persanes (Montesquieu - la société des Troglodyes)

* Les Voyages de Gulliver (Defoe) 

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Notes

(1) Vingt ans avant le Télémaque de Fénelon, L'Histoire des Sévarambes décrit, dans le cadre d'une relation de voyage fictive, un pays d'utopie, visité à la suite d'un naufrage par un certain capitaine Siden. Les généreuses aspirations de l'auteur, la satire implicite qu'il fait des moeurs européennes et du catholicisme annoncent la littérature philosophique des Lumières. Chez les Sévarambes en effet, prévalent l'égalité des citoyens, la communauté des biens, le travail obligatoire pour tous, une religion naturelle sans mystères ni miracles, la liberté de consceince, le divorce, etc. Mais avant de connaître le bonheur et la paix, les Sévarambes ont traversé des périodes troubles comme en témoigne l'histoire de l'imposteur Omigas, fondateur d'une religion fausse, se prétendant le fils du Soleil et faisant des miracles.

Extrait du chapitre titré "Histoire de l'imposteur Omigas"

[hors-sujet)

Danse dans une maison d'Ulietéa (Océanie)   "... S'il y avait quelque belle fille dans la Nation, les prêtres ne manquaient pas de la demander et de faire accroire à ses parents que le Fils du Soleil avait jeté ses regards favorables sur elle, et que pour la rendre un vaisseau de sainteté, il daignerait bien descendre du Ciel pour s'unir à elle et cueillir la première fleur de sa jeunesse (car c'est ainsi qu'ils s'exprimaient). Ils ajoutaient que si la fille et ses parents avaient une véritable foi, et que s'ils recevaient cet honneur éclatant avec tout le respect et toute l'humilité convenable en une telle occasion, le divin Stroukaras [autre nom d'Omigas] ne manquerait pas de remplir la vierge d'un fruit sacré, qui porterait la bénédiction du Ciel à toute la famille. Que si cette vierge ainsi sacrifiée enfantait un garçon, il serait l'un des Prêtres qui offrent des sacrifices au bel Astre du jour ; et que si au contraire elle enfantait une fille, cette fille serait sainte, et que l'homme qui l'épouserait, quand elle serait parvenue à l'époque du mariage, se pourrait vanter d'être gendre du divin Stroukaras, peti-fils du Soleil. Qu'une alliance si illustre serait accompagnée de plusieurs autres avantages, outre le suprême bonheur qu'aurait la fille de se voir unie à un Dieu.  

   Le peuple crédule et superstitieux ajoutait facilement foi à toutes ces belles promesses, et il n'y avait point de pères ni de mères qui ne s'estimassent heureux d'avoir mis au monde une fille dont la beauté aurait pu plaire au divin Fils du Soleil. Cette persuasion faisait que, de tous les endroits du pays, on menait au Temple du Bocage les plus belles filles qu'on pouvait trouver, pour les offrir et les consacrer à Stroukaras. Quand les prêtres prenaient quelqu'une de ces filles, ils lui faisaient quitter ses habits profanes pour lui en donner de sacrés, après qu'elle avait été lavée dans un bain composé de plusieurs herbes aromatiques. Le jour devant la nuit en laquelle Stroukaras la devait visiter, on faisait des sacrifices et on chantait divins cantiques, afin qu'il descendît du Ciel et qu'il vînt prendre possession de l'humble et sainte pucelle qui lui avait consacré sa virginité. Après toutes ces cérémonies, on laissait la fille toute seule avec un vieux Prêtre qui lui faisait quitter ses habits et lui enseignait à faire cent postures lascives devant l'autel, pour solliciter Stroukaras de la venir voir et prendre possession de sa personne. Pendant qu'elle faisait toutes ces cérémonies impures, les autres Prêtres, qui s'étaient retirés pour la laisser seule avec son vieux directeur, s'allaient cacher derrière des jalousies, d'où ils pouvaient voir par tout le Temple sans être vus, et de là ils satisfaisaient leurs yeux impudiques par la vue de cette personne. Ensuite ils jetaient au sort entre eux à qui en jouirait le premier, et dès lors que les ténèbres de la nuit étaient venues, on menait la fille dans un lieu obscur fait pour cet usage, où on lui commandait de se coucher sur un lit, et d'y attendre avec grande dévotion la venue de son céleste amant [...] 

   Ces sales pratiques s'exercèrent parmi ces peuples ensorcelés jusqu'à ce que Sévarias [législateur et fondateur de l'Etat des Sévarambes] leur eût fait connaître les impostures de Stroukaras et celles de ses sacrificateurs, mais ceux qu'il ne soumit pas à sa puissance retiennent encore aujourd'hui ces coutumes abominables..."

Remarques

* On peut relever toutes les expressions qui pourraient aussi bien s'appliquer à certains dogmes les plus connus du catholicisme.

* Satire anticléricale : comment apparaît le clergé ? Sur quoi fonde-t-il sa puissance et son autorité ?

* le conte libertin : en quoi ces lignes annoncent-elles une certaine littérature du 18e siècle ?  

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Date de dernière mise à jour : 27/03/2018