Qu’est-ce que le goût ? (Voltaire)
« Le goût, ce sens, ce don de discerner nos aliments, a produit dans toutes les langues connues la métaphore qui exprime par le mot goût le sentiment des beautés et des défauts dans tous les arts : c’est un discernement prompt, comme celui de la langue et du palais, et qui prévient comme lui la réflexion ; il est, comme lui, sensible et voluptueux à l’égard du bon ; il rejette, comme lui, le mauvais avec soulèvement ; il est souvent, comme lui, incertain et égaré, ignorant même si ce qu’on lui présente doit lui plaire, et ayant quelquefois besoin, comme l’hui, d’habitude pour se former [...] .
On dit qu’il ne faut point disputer des goûts ; et on a raison, quand il n’est question que du goût sensuel, de la répugnance qu’on a pour une certaine nourriture, de la préférence qu’on donne à un autre : on n’en dispute point, pace qu’on ne peut corriger un défaut d’organes. Il n’en est pas de même dans les arts : comme ils ont des beautés réelles, il y a un bon goût qui les discerne, et un mauvais goût qui les ignore ; et on corrige souvent le défaut d’esprit qui donne un goût de travers. »
Voltaire, Dictionnaire philosophique, Article « Goût »
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