« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Maigreur

Femmes maigres au XVIIIe siècle : une perversité ?

   Alexandre de Tilly, dînant chez un riche Anglais, écrit dans ses Mémoires :

   « Il n’aimait que les femmes d’une maigreur dangereuse, et chez qui toute absence de gorge eût pu faire révoquer leur sexe en doute. Arrivé à souper chez lui pour prendre ses lettres, j’y trouvai rangée sur des fauteuils une collection de momies dont je n’aurais jamais orné mon salon. [...] C’était tout ce qu’il y avait de plus décharné dans les ballets de l’Opéra, et de plus voisin du squelette dans les rangs des courtisanes subalternes. [...] »

   Plus loin, Tilly évoque un vicomte de C. : « Celui-là m’a soutenu souvent que pour qu’une femme fût désirable, il fallait serrer sa taille dans ses deux bracelets de velours noir, que les charmes qui en font soupçonner tant d’autres fussent absents, et que tout ce qui restait fût sans rondeur. » 

  Un certain abbé d’Arcès parle à Tilly d’une actrice fort maigre, une « courtisane qui promettait d’aller au plus grand. » Tilly regrette de « s’en être jamais fait une idée » et la séduit de ce pas. Il s’agit d’une certaine Mlle Leb***, par ailleurs « sérieusement occupée à ruiner F. » Il découvre alors « un mauvais sujet d’une très grande espérance. » Il ajoute : « On m’a assuré qu’elle avait été horrible dans la Révolution. Je ne m’en étonne pas, elle avait un cœur à aller loin. »

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