Gestes séditieux à la mode
« À l’arrivée du Directoire, la France soupire. Les paysans continuent à vivre comme ils n’avaient jamais cessé de le faire, quel qu’ait été le régime et comme ils vivront sans doute toujours, même en moindre nombre. (C’est la caste éternelle).Les anciens terroristes fuient ou deviennent les nouveaux libéraux. Les aristocrates sortent de prison, d’autres reviennent d’exil. Le commerce de frivolités reprend, les théâtres se remplissent. On court les bals, ils sont plus de six cents, notamment les « bals des victimes » où, pour être admis, il faut avoir eu un parent exécuté sous la terreur. On y va en noir ou avec un brassard de deuil. Les plus extrémistes portent les cheveux relevés comme prêts pour la guillotine, ou un ruban rouge autour du cou. On se salue d’un coup sec de la tête. C’est un sommet du mauvais goût...
Quelques mois plus tôt, on portait des gants séditieux. En cuir fin, le dos uni, et quand on pensait se trouver avec des personnes de confiance, on retournait la main : au revers était imprimée, à l’intérieur, à droite, une tête de Louis XVI, à gauche, de Marie-Antoinette. Les vêtements et les gestes des périodes troublées sont duplices. C’est la faute des troubles.
Charles Dantzig, Traité des gestes (Grasset, 2017).
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