Femmes allemandes
Cet extrait de l’ouvrage De L’Allemagne fait partie du chapitre II de la première partie (titrée « De l’Allemagne et des mœurs des Allemands ») intitulé « Les femmes ». À lire avec un certain recul...
« ... Les femmes allemandes ont un charme qui leur est tout à fait particulier, un son de voix touchant, des cheveux blonds, un teint éblouissant ; elles sont modestes, mais moins timides que les Anglaises ; on voit qu’elles ont rencontré moins souvent des hommes qui leur fussent supérieurs, et qu’elles ont d’ailleurs moins à craindre des jugements sévères du public. Elles cherchent à plaire par la sensibilité, à intéresser par l’imagination ; la langue de la poésie et des beaux-arts leur est connue, elles font de la coquetterie avec de l’enthousiasme, comme on en fait en France avec de l’esprit et de la plaisanterie. La loyauté parfaite qui distingue le caractère des Allemands rend l’amour moins dangereux pour le bonheur des femmes, et peut-être s’approchent-elles de ce sentiment avec plus de confiance, parce qu’il est revêtu de couleurs romanesques, et que le dédain et l’infidélité y sont moins à redouter qu’ailleurs.
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On peut se moquer avec raison des ridicules de quelques femmes allemandes qui s’exaltent sana cesse jusqu’à l’affectation, et dont les doucereuses expressions effacent tout ce que l’esprit et le caractère peuvent avoir de piquant et de prononcé ; elles ne sont pas franches, sans pourtant être fausses ; seulement elles ne voient ni ne jugent rien avec vérité, et les événements réels passent devant leurs yeux comme de la fantasmagorie. Quand il leur arrive d’être légères, elles conservent encore la teinte de sentimentalité qui est en honneur dans leur pays. Une femme allemande disait avec une expression mélancolique : « Je ne sais à qui cela tient, mais les absents me passent de l‘âme. » Une Française aurait exprimé cette idée plus gaiement, mais le fond eût été le même.
Ces ridicules qui font exception n’empêchent pas que parmi les femmes allemandes il y en ait beaucoup dont les sentiments soient vrais et les manières simples. Leur éducation soignée et la pureté d’âme qui leur est naturelle rendent l’empire qu’elles exercent doux et soutenu, elles vous inspirent chaque jour plus d’intérêt pour tout ce qui est grand et généreux, plus de confiance dans tous les genres d’espoir, et savent repousser l’aride ironie qui souffle un vent de mort sur les jouissances du cœur. Néanmoins on trouve très rarement chez les Allemandes la rapidité d’esprit qui anime l’entretien et met en mouvement toutes les idées ; ce genre de plaisir ne se rencontre guère que dans les sociétés de Paris les plus piquantes et les plus spirituelles. Il faut l’élite d’une capitale française pour donner ce rare amusement : partout ailleurs on ne trouve d’ordinaire que de l’éloquence en public, ou du charme dans l’intimité. La conversation, comme talent, n’existe qu’en France ; dans les autres pays elle ne sert qu’à la politesse, à la discussion ou à l’amitié : en France, c’est un art auquel l’imagination et l’âme sont sans doute fort nécessaires, mais qui a pourtant aussi, quand on le veut, des secrets pour suppléer à l’absence de l’une et de l‘autre. »
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