Europe et Révolution
Mme de Staël se demande : « Quelle était la disposition des états d’esprit en Europe au moment de la convocation des États Généraux ? » et y répond ainsi :
« Les lumières philosophiques, c’est-à-dire l’appréciation des choses d’après la raison et non d’après les habitudes, avaient fait de tels progrès en Europe, que les possesseurs de privilèges, rois, nobles ou prêtres, étaient les premiers à s’excuser des avantages abusifs dont ils jouissaient. Ils voulaient bien les conserver, mais ils prétendaient à l’honneur d’y être indifférents ; et le plus adroits se flattaient d’endormir assez l’opinion pour qu’elle ne leur disputât pas ce qu’ils avaient l’air de dédaigner.
L’impératrice Catherine II courtisait Voltaire ; Frédéric II était presque son rival en littérature ; Joseph II était le philosophe le plus prononcé de ses États ; le roi de France avait pris deux fois, en Amérique et en Hollande, le parti des sujets contre leur prince : sa politique le conduisit à soutenir ceux qui combattaient contre le pouvoir royal et les stathoudériens. L’opinion de l’Angleterre sur tous les principes politiques était en harmonie avec ses institutions, et, avant la révolution de France, il y avait certainement plus d’esprit de liberté en Angleterre qu’à présent.
M. Necker [son père] avait donc raison quand il disait, dans le résultat du conseil du 27 décembre 1788 que le bruit sourd de l’Europe invitait le roi à consentir aux vœux de la nation. La constitution anglaise qu’elle souhaitait alors, elle la réclame encore à présent. Examinons avec impartialité quels sont les orages qui l’ont éloignée de ce port, le seul où elle puisse trouver le calme… »
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