Présages néfastes au mariage de Marie-Antoinette
En guise d'introduction
Le mariage entre le dauphin Louis et la dauphine Antonia se fait sous de mauvais auspices. Certains y voient de funestes présages. D’ailleurs la future reine n’est-elle pas née le 2 novembre 1755, jour de morts et, qui plus est, le lendemain du tremblement de terre de Lisbonne ? ...
Par ailleurs, suite au renversement des alliances (oeuvre de Mme de Pompadour), c’est l’Autriche qui est favorisé aux dépens de la France. D’où l’une des raisons du la haine du peuple français envers Marie-Antoinette, « l’autruche autrichienne ». Certes, la haine n'est pas encore de mise mais...
Le mariage a lieu le 16 mai 1770. On note dans le Journal du duc de Croÿ : « Les fêtes devaient être belles et somptueuses sans qu’on s’aperçut de la misère, ce qui faisait honneur aux ressources de la France et à l’esprit de l’abbé Terray qui ne paraissait embarrassé de rien. [...] Ce mariage si important pour le bonheur de l’humanité me toucha et me fit prier de bon cœur pour son succès et sa suite heureuse en tout genre... »
Mais des orages éclatent, on supprime feux d’artifice et illuminations. Le peuple rentre bredouille à Paris.
À propos du bal du 19 mai, il y a des querelles de préséance dans l’ordre des danseurs, les duchesses de la Maison de Lorraine (Marie-Antoinette étant une Habsbourg-Lorraine) voulant avoir le pas sur les ducs et les pairs français. Le duc de Croÿ écrit : « Il fut donc décidé, tout ce soir-là et le lendemain matin, que personne n‘irait au bal du Roi. [...] Monsieur le Dauphin fut furieux, et c’était bien mal recevoir l’aimable Dauphine ! » Louis XV cède à la Maison de Lorraine, promettant la préséance aux duchesses françaises pour les autres bals.
À propos de la présentation de la Dauphine à la Ville de Paris, un feu d’artifice est tiré le 30 mai mais il y a tant de monde, « beaucoup de peuple étant venu de la campagne », précise Croÿ, que la foule s’écrase (132 cadavres et 700 blessés, dit-on) : « Cette tragique fête qui fit une grande consternation dans le peuple, ce qui n’était pas favorable pour l‘objet de ce mémorable mariage. »
Mme de Genlis nous en dit plus long
Mme de Genlis assiste à ce feu d’artifice qui tourne à la catastrophe : dans la panique générale provoquée par des mouvements de foule, de très nombreuses victimes sont renversées et piétinées. Il est difficile d’évaluer leur nombre avec exactitude. Un bulletin de police annonce 367 morts. Dans La Vie fragile (Hachette, 1986), Arlette Farge écrit : « Il y eut tant de blessés qu’il n’est guère possible de connaître le chiffre exact de ceux qui sont morts par la suite. 500, 1 100, 1 200… »
Mme de Genlis écrit dans ses Mémoires : « M. de La Reynière (1) faisait bâtir une belle maison sur la place Louis-XV ; il me donna pour voir le feu, une des pièces du rez-de-chaussée […]. Nous entendions un vacarme épouvantable sur la place, […] l’on se culbutait, l’on s’écrasait, tout y était dans une horrible confusion. […] Il y avait des embarras affreux, il était impossible de trouver nos gens, il allait se décider à attendre encore au moins deux heures. […] On me croyait tuée car on savait, ce que j’ignorais, qu’une infinité de personnes avait péri sur cette fatale place (environ six mille personnes, selon le calcul le plus modéré) […] Pendant quatre ou cinq jours, il ne fut question dans tous les entretiens que de cette déplorable histoire, que tout le monde regardait comme le plus sinistre présage. En effet, il est bien frappant, qu’à l’occasion du mariage de l’infortuné Louis XVI, tant de sang ait coulé sur cette même place où ce prince et son épouse devaient être immolés avec tant d’autres innocentes victimes ! »
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Notes
[1]Alexandre-Balthasar-Laurent Grimod de La Reynière (1758-1838), financier richissime, amateur de belles-lettres et gastronome célèbre, faisait alors bâtir un hôtel place Louis-XV, l’actuelle place de la Concorde.
Opinion de Goethe à Strasbourg
À Strasbourg, en mai 1770, Goethe assiste au mariage par procuration de Marie-Antoinette. Il prétend avoir découvert, dès ce moment, divers signes avant-coureurs du drame. Pour la réception, un pavillon avait été échafaudé en toute hâte, avec salle de parade, au centre d’immenses jardins décorés d’arcs de triomphe et de parterres. La salle principale, que Goethe vista moyennant pourboire, étai ornée de tapisseries des Gobelins représentant Jason et Médée, le char des Furies et les enfants égorgés. Simple sujet d’opéra alors en vogue. Mais Goethe fut épouvanté. La future reine fit son entrée dans un carrosse vitré et Goethe put la voir bavarder avec ses suivantes.
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Date de dernière mise à jour : 03/04/2020