Adèle et Théodore
En 1782, Mme de Genlis publie un roman d’éducation, Adèle et Théodore. Le sujet est à la mode depuis Rousseau et son Émile (1762) : les pères ne doivent plus exercer d’autorité despotique sur leurs enfants et les mères doivent les allaiter au lieu de les confier à des nourrices mercenaires. Cette rupture éducative suscite des polémiques et alimente une abondante littérature où Mme de Genlis veut s’illustrer afin de conforter l’opinion dans ses talents de pédagogue et d’écrivain.
Adèle et Théodore s’inspire de Rousseau : la vertu est le seul moyen d’accéder au bonheur. Il faut éveiller la sensibilité et l’affection de l’élève. Toutefois, elle s’en démarque en récusant l’idée de la bonté naturelle de l’homme et propose que l’enfant soit instruit dès son plus jeune âge. Il doit également acquérir des principes religieux.
L’ouvrage entre en concurrence avec un autre traité d’éducation, Les Conversations d’Émilie, de Mme d’Épinay, amie de Rousseau et maîtresse de Grimm. Mme de Genlis s’aliène les philosophes, et d’Alembert en particulier, d’autant qu’elle défend la religion. Elle se brouille alors définitivement avec les encyclopédistes.
Dès sa jeunesse d'ailleurs, elle exècre Voltaire : « Voici la première origine de mon aversion pour Voltaire. La voisine qui prêtait des livres à mademoiselle de Mars [une très jeune fille chargée de l'élever] lui prêta une brochure nouvellement arrivée de Paris, et faite contre M. de Voltaire. Nous connaissions la plupart de ses tragédies, nous jouions Zaïre et nous avions lu les autres ; pour cette raison la brochure nous intéressa ; nous y vîmes avec chagrin que cet homme que nous avions admiré était un impie […]. Comme il y a dans Zaïre des sentiments religieux, j’étais doublement indignée contre l’auteur ; je perdis beaucoup de mon admiration pour Zaïre ; et je donnai toute ma préférence à mon rôle d’Iphigénie en Aulide et par conséquent à Racine, car on m’assurait que ce grand homme avait été aussi vertueux qu’il est sublime. »
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