Qui est la Muse limonadière ?

   Née Charlotte Renière-Curé, elle devient par son second mariage Charlotte Bourette. Elle est propriétaire d’un café duquel elle a récemment (nous sommes en 1760) donné son nom : le Café Bourette. Situé rue Croix-des-Petits-Champs, l’établissement s’était successivement appelé Café allemand, puis Café des Muses.

   Sous le nom de La Muse limonadière, Charlotte a publié ces dernières années deux volumes de vers, ainsi que la réponse des écrivains importants (Voltaire, Diderot) auxquels elle a la manie d’adresser ses essais poétiques sans jamais avoir de réponse.

   Toujours est-il que sa notoriété profite à son établissement qui ne désemplit pas et devient un lieu littéraire fréquenté.  

   Voltaire, harcelé, lui fait don toutefois d’une carafe, espérant avoir définitivement la paix. Il s’en explique dans un biller adressé à Diderot (daté de septembre 1760) : « Je ne me sens guère d’entrailles pour la Muse limonadière et j’aime beaucoup mieux lui donner une carafe de soixante livres que de lui écrire. »

   Grimm, auteur de la Correspondance littéraire, la juge ainsi : « Nous avons ici une cafetière à qui la fureur des vers a tourné l’esprit. Elle en fait pout tout le monde et n’en fait de bons à personne. Elle en a cependant fait imprimer pour le roi de Prusse qui ne sont pas parmi les plus mauvais qui soient sortis de son cerveau. »

   De ses vers au roi de Prusse, Charlotte assure avec fierté : « De tous mes ouvrages, celui qui m’a coûté le moins et qu’on a loué le plus, c’est mon ode au roi de Prusse. Je fus saisie en le composant d’une espèce de fureur poétique qui m’éleva au-dessus de moi-même. »

   Cependant, Fontenelle, décédé en 1757, l’apprécia. Il fréquentait beaucoup le Café Bourette. Et fit don à sa propriétaire d’un exemplaire de ses œuvres en huit volumes, ce qui irrita Voltaire : on dit qu’il aurait eu la même idée, si Fontenelle ne l’avait précédé.

Sources : Almanach gastronomique, op.cit.   

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