Biographie Rousseau
Un intellectuel s'exprime
Dans son ouvrage Le Pari biographique, François Dosse cite Jean Starobinski à propos de Jean-Jacques Rousseau : « À tort ou à raison, Rousseau n’a pas consenti à séparer sa pensée et son individualité, ses théories et son destin personnel. Il faut le prendre tel qu’il se donne, dans cette fusion et cette confusion de l’existence et de l’idée. On se trouve ainsi conduit à analyser la création littéraire de Jean-Jacques comme si elle représentait une action imaginaire, et son comportement comme s’il constituait une fiction vécue » (Jean-Jacques Rousseau : la transparence et l’obstacle, Gallimard, 1976).
François Dosse écrit : « Partant de cet entrelacs, de cet indéfini entre réalité et fiction, le biographe de Rousseau ne doit pas imposer sa grille de lecture, mais partir de l’observation et de la description du rapport au monde tel que l’entretient Rousseau tant dans sa vie que dans son œuvre. Cela implique, et cela devrait guider toute biographie intellectuelle, une pénétration de la structure endogène de l’œuvre avec ce qu’elle charrie de symboles et d’idées, mais aussi une restitution de ce que le texte évoque pour le magnifier ou s’y opposer, le monde social extérieur qui se pose justement pour Rousseau comme obstacle à la transparence à laquelle il aspire et rêve. À la différence de Descartes qui se concentre jusqu’à l’extrême pour retrouver le cogito, Rousseau conçoit l’existence comme le fruit d’un oubli de soi et du monde, le résultat d’une excursion, d’une sorte de distraction. C’est dans l’apparence du reflet que la dureté cristalline se donne à voir et « c’est parce que tout s’oppose à lui que Rousseau se projette dans un monde où rien ne s’oppose au moi (ibidem). »
Et Mme de Staël : « J.-J. Rousseau n'a rien découvert, mais il a tout enflammé. »
Plus simplement, deux ans après la mort de Rousseau, un nouvelliste du temps écrivait : « La moitié de la France s'est déjà portée à Ermenonville, pour y visiter la petite île qui lui estconsacrée. La reine et tous les princes et princesses de la cour s'y sont eux-mêmes transportés. On m'a assuré que cette illustre famille était restée plus d'une heure à l'ombre des peupliers qui environnent le tombeau. »
Vie concrète : Rousseau à Montmorency
Fâché avec Mme d’Épinay, Rousseau quitte l’Ermitage dans la propriété de la Chevrette en décembre 1757. Il s’installe non loin, à Mont-Louis, avec sa chère Thérèse. Il y écrira des œuvres essentielles : Lettre à d’Alembert sur les spectacles, La Nouvelle Héloïse, Émile ou De l’éducation, Le Contrat social et les Lettres à M. de Malesherbes. Le 9 juin 1762, il doit s’enfuir pour échapper au mandat d’arrêt suite à la publication de l’Émile.
Montmorency dévient très vite un lieu de pèlerinage : en 1791, on érige un monument à l’emplacement de la rencontre de Rousseau avec Sophie d’Houdetot, belle-sœur de Mme d’Épinay et femme tant aimée.
Le musée Jean-Jacques Rousseau est installé à Mont-Louis en 1873. Quelques meubles : son lit, une table, un baromètre, une étagère, des bocaux de cristal qui abritaient sa bougie pour que Thérèse puisse dormir alors qu’il lisait le soir.
Qu’en dit Rousseau dans ses Confessions ? « Je trouvai donc le moyen de me faire, d’une seule chambre au premier, un appartement complet, composé d’une chambre, d’une antichambre et d’une garde-robe. Au rez-de-chaussée étaient la cuisine et la chambre de Thérèse. » L’ameublement est authentiqua grâce à un inventaire précis de ses biens dressé en 1758 au bénéfice de Thérèse, alors qu’il se croyait mourant.
Modestie et dénuement pour des œuvres éternelles.
Sources de ce paragraphe : Mes Maisons d'écrivains, Evelyne Bloch-Dano, Stock, 2019.
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Date de dernière mise à jour : 02/08/2023