Les Aventures de *** ou Les Effets surprenants de la sympathie
Marivaux commence cet ouvrage en 1709 : il y sème les idées de son œuvre future. On y remarque une recherche volontaire de la difficulté, un style affecté fait de monologues, exclamations ou tutoiements destinés à soi-même, le tout au service d’une psychologie de l’amour-passion généreux et héroïque et des finesses du sentiment : Clarice est l’image de l’amour-tendresse. Quant à Dorine, autre noble orpheline réduite à une condition inférieure, elle annonce l’héroïne de La Vie de Marianne.
Intrigue compliquée construite sur un schéma concentrique, avec des récits insérés dans le récit et des récits secondaires enchâssés retraçant des événements violents, enlèvements, déguisements, naufrages ou personnages ressuscités. Caliste raconte à Clarice l’histoire de Frédelingue ; dans cette histoire se glisse un récit de Parménie à Frédelingue et dans le récit de Parménie s’insère une narration de Melville qui elle-même contient l’aventure que relate une Anglaise.
Ce roman est imité des longs romans baroques d’aventures du siècle précédent mais Marivaux leur confère une tonalité pathétique, sombre et sentimentale, annonçant ainsi l’abbé Prévost. Surtout, un Avis au lecteur recommande le recours à la sensibilité pour fonder le vraisemblable sur des bases psychologiques réelles, propose des aventures permettant la connaissance de soi et d’autrui dans l’émotion et préconise les réflexions (raillées par Crébillon dans L’Écumoire) qui transforment La Vie de Marianne (1728) en un commentaire lucide de l’héroïne sur sa propre existence. Ce procédé du roman parlé, différé et ouvert, est déjà proche de l’esthétique romanesque de Diderot.
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