Contre les romans
Contre la lecture des romans ou les sept péchés capitaux
On accuse la lecture romanesque de tous les maux, au 17e comme au 18e siècle :
* Perversion morale : par la liberté de son contenu, il porterait atteinte aux bonnes mœurs. Rousseau écrit dans la préface de La Nouvelle Héloïse : « Jamais fille chaste n’a lu de romans, et j’ai mis à celui-ci un titre assez décidé pour qu’en l’ouvrant on sût à qui s’en tenir. Celle qui, malgré ce titre, en osera lire une seule page est une fille perdue. »
* Obstacle à l’équilibre physiologique : la lecture des romans produirait un dérèglement des comportements particulièrement nuisible, en particulier pour les jeunes filles. Michel Foucault écrit dans son Histoire de la folie à l’âge classique : « Peut-être que de toutes les causes qui ont nui à la santé des femmes, la principale a été la multiplication infinie des romans […]. Une fille qui à dix ans lit au lieu de courir doit être à vingt ans une femme à vapeurs et non une bonne nourrice. »
* Incitation à la paresse : le roman détourne des activités saines et productives et s’avère un redoutable instrument d’oisiveté.
* Perte de la raison : Don Quichotte, le héros du roman éponyme, a perdu l’esprit à la lecture des romans de chevalerie. Paul et Virginie reste une lecture coupable au 19e siècle puisqu’Emma Rouault, s’ennuyant dans son couvent, invente un univers romanesque, source de tous ses maux futurs : elle « avait rêvé la maisonnette en bambou, le nègre Domingo, le chien Fidèle. » (Flaubert, Mme Bovary).
* Ecole de mauvais goût : lecture trop facile qui flatte les bas instincts, histoires démagogiques ou dégradantes : passion, violence, illusion, etc.
* Aliénation : ce type d’ouvrages dépossède l’individu de son moi, lui fait quitter le monde réel.
* Entreprise antilittéraire : ses ressorts (intrigue, psychologie, analyse des sentiments, appel à la sympathie du lecteur) seraient contraires aux exigences formelles de l’écriture.
Sources : Dictionnaire du roman, Yves Stalloni, Armand Colin 2006.
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