Où s’échangent les idées au 18e siècle ?
L’effervescence des idées est grande au 18e ; on aime s’écrire et causer. Dans les villes, les lieux d’élection de la conversation sont les cafés, les clubs, les salons.
Les premiers sont fréquentés par toutes les classes. On y discute et on s’y dispute. Dans certains, plus littéraires, on lit et on juge les ouvrages nouveaux. C’est aussi dans les cafés que se réunissent les commentateurs de nouvelles, « les nouvellistes » qui, à Paris, poursuivent leurs entretiens au Palais-Royal, dans les allées des Tuileries, au Luxembourg. Des gazettes manuscrites circulent et comptent même des abonnés en province.
Des clubs à l’anglaise apparaissent où l’on aborde les questions politiques. Le plus connu est, au début du siècle, le club de l’Entresol. Les clubs se multiplient par la suite. Le gouvernement les interdit. Ils ne rouvriront qu’à la fin de 1788 : club des Valois présidé par le duc d’Orléans, fréquenté par Condorcet et Sieyès ; club « chez le sieur Macé » qu’on appelle à la cour le club des enragés ; société de l’abbé Morellet dont Talleyrand est un membre actif ; club des colons où Mirabeau et Lavoisier s’élèvent contre la traite des Noirs. On sait l’extension que prendront les clubs sous la Révolution.
La vie mondaine est active et les salons nombreux. On s’y distrait : bals, jeux, représentations théâtrales, et l’on y cause. Avant 1750, le plus célèbre est celui de Mme de Tencin. Dans la seconde moitié du siècle apparaissent celui de Mme Geoffrin, riche bourgeoise, de Mme du Deffand, de Mlle de Lespinasse[1]. Écrivains, savants, artistes y confrontent leurs idées. Les questions politiques, sociales, religieuses y sont abordées. Mme de Tencin soutient L’Esprit de lois (Montesquieu) ; Mme Geoffrin prête à l’Encyclopédie (Diderot) en difficulté des sommes considérables. Mme du Deffand qui n’aime pas les Encyclopédistes, vénère Voltaire. Mais toutes les maitresses de maison tempèrent la hardiesse des idées.
L’influence de ces salons n’est pas niable. Favorisant les relations entre gens de lettres et gens du monde, ils stimulent les esprits et les plumes. Les correspondances et maints ouvrages du temps conservent la clarté et le ton spirituel des conversations où chacun se surveille pour se faire valoir. Il n’en reste pas moins que les grandes œuvres ne s’élaborent pas dans ces hauts lieux de la conversation mais dans le silence du cabinet d’études. Les salons qui sont vraiment des foyers d’idées sont ceux de l’ancien fermier général Helvétius et du baron d’Holbach[2] où se resserrent les liens du parti philosophique. Les maîtres des lieux sont eux-mêmes des écrivains influents, et des œuvres hardies sont lues chez eux.