Matérialisme et élitisme des Lumières

* « L’homme et l’animal ne sont que des machines de chair ou sensibles » (Diderot, Mémoires pour Catherine II, 1773-1774).

* Dans l’Encyclopédie, au chapitre « Inné », Diderot pense pouvoir « réduire l’homme à la condition de l’huître et élever l’huître à la condition de l’homme. »

* « Des animaux à l’homme, la transition n’est pas violente » écrit La Mettrie dans L’Homme machine (1746).

* Dans son Discours sur l’Origine et les et les Fondements de l’Inégalité entre les Hommes (1755), Rousseau écrit : « Tout animal a des idées puisqu’il a des sens, il combine même ses idées jusqu’à un certain point, et l’homme ne diffère à cet égard de la bête que du plus au moins. »

* Voltaire, dans l’article « Athéisme » (Questions sur l’Encyclopédie,) évoque l’homme, mais pas n’importe lequel. Il parle de « bonne compagnie », d’« honnêtes gens », du « petit troupeau séparé » qu’il conçoit « riche, bien élevé, instruit, amoureux du repos ». Bref, il s’agit de « la fleur du genre humain » qu’il évalue en France à « deux ou trois mille personnes très aimables, d’un goût délicat, et de très bonne compagnie » (article « Supplices », Question sur l’Encyclopédie).     

* D’Holbach, dans son Système de la Nature (1770), écrit : « Il n’y a qu’un très petit nombre d’individus de l’espèce humaine qui jouissent réellement de la raison ou qui aient les dispositions et l’expérience qui la constituent.

* Selon Ch. Dantzig, le retournement en faveur du Moyen Âge a servi, dès la fin du 19^e siècle, de bélier contre l’idées des Lumières. Ce début du 21^e siècle qui les hait cherche à rétablir les délices de Cro-Magnon.

MAIS

* L’Américain Gouverneur Morris (plus tard ambassadeur de son pays en France) observe la Révolution de 1789 et écrit dans son Journal : « Il serait ridicule que croient en l’Homme ceux qui affectent de ne pas croire en Dieu. » 

* Tocqueville dans De la Démocratie en Amérique, considère le matérialisme comme « une maladie dangereuse de l’esprit humain. »

* Ceci dit, Diderot ne fait qu’annoncer l’évolution des espèces de Darwin : « Tous les êtres circulent les uns dans les autres. Tout animal est plus ou moins homme ; tout minéral est plus ou moins plante, toute plante est plus ou moins animal. Il n’y a qu’un seul individu : c’est le Tout. Naître, vivre et passer, c’est changer de forme. »

* Voltaire évoque « leurs yeux ronds, leur nez épaté » et « la mesure même de leur intelligence mettent entre eux et les autres espèces d’hommes des différences prodigieuses. » Se révoltant contre la religion et l’homme image de Dieu il écrit ailleurs : « Voilà une plaisante image de l’Être éternel qu’un nez noir éparé avec peu ou point d’intelligence. »     

* Helvétius quant à lui, compare le « nègre », l’aigle et le sanglier.

* Buffon lui-même écrit dans Histoire naturelle : « Il faudrait cloîtrer ces nègres avec leurs femelles et conserver scrupuleusement leur race sans leur permettre de la croiser. »

* Maupertuis, le 12 novembre 1753, écrit à Mme du Deffand : « Quinze perroquets de toutes les couleurs, deux singes, cinq noirs des trois parties du monde me font une cour et une académie. »

* Le médecin Cabanis parle de « faiblesse musculaire », d’ « impressions plus vives et plus mobiles » [que les hommes].

* Rousseau déclare dans l’Émile : « La recherche des vérités abstraites et spéculatives n’est point du ressort des femmes. »

* Voltaire à l’article « Genèse » dans son Dictionnaire philosophique écrit : « La supériorité de l’homme sur la femme est une chose entièrement naturelle ; c’est l’effet de la force du corps, et même de celle de l’esprit. »  Lorsque sa maîtresse Mme du Châtelet meurt, il écrit à Frédéric II dans une lettre du 15 octobre 1749 : « J’ai perdu un ami (sic) de vingt-cinq années, un grand homme qui n’avait de défaut que d’être femme. »

* Quant à Bonaparte en Égypte, à propos des femmes prises aux mamelouks il décrète le 4 août 1798 (« Commission administrative », Correspondance) : « Vous donnerez l’ordre qu’elles soient mises en dépôt chez les membres du divan et chez les principaux négociants de la ville, qui en donneront un reçu et seront tenus de les représenter toutes les fois qu’on les demandera. »

* La femme des Lumières est chosifiée en dépit de la tenue des salons.   

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