Critique société
Que critiquent les philosophes des Lumières ?
On peut regrouper la critique sociétale au XVIIIe siècle selon les cinq axes suivants :
1/ La formation de l’esprit critique
* Bayle : Pensées sur la comète (1682), => croyances dénuées de sens
* Fontenelle : Histoire des Oracles (1686), « La dent d’or » => crédulité et paresse d’esprit nous font accepter facilement des événements extraordinaires, sans vérification
* Montesquieu : Lettres persanes (1721), Lettre 97 => éloge de l’esprit philosophique
2/ La critique de l’inégalité
* Montesquieu : Lettres persanes, Lettre 75 => la morgue des grands (cf. La Bruyère dès le XVIIe siècle dans les Caractères)
* Diderot : Le Neveu de Rameau (1762) => éloge ironique (paradoxal) de l’or
* Rousseau : Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes (1755) => inégalité sociale due à la propriété
* Beaumarchais : Le Mariage de Figaro (1784), V, 3 : le monologue de Figaro qui dénonce les tares d’une société inégale et hypocrite
3/ La critique de l’injustice
* Montesquieu : L’Esprit des lois (1748), Livre XV => condamnation de l’esclavage
* Voltaire : Dictionnaire philosophique (1764), Article « Torture » => condamnation de la torture
* Voltaire : Dialogues philosophiques, « André Destouches à Siam » (1766) => l’arbitraire de la justice
4/ La critique du pouvoir
* Montesquieu : Lettres persanes, Lettre 37 => portrait de Louis XIV (mort en 1715 ; la Régence est plus tolérante)
* Diderot : Encyclopédie (1751), article « Autorité politique » => attaque violente contre la monarchie absolue
* Voltaire, Lettres philosophiques (1734), Lettre VIII => Voltaire vante les mérites du régime parlementaire anglais dans lequel le pouvoir du roi est limité par l’existence d’une assemblée
* l’auteur incertain de l’article « Paix » de l’Encyclopédie
5/ La critique de la religion
* Montesquieu : Lettres persanes, Lettre 29 => critique de l’Inquisition
* Voltaire : Traité sur la tolérance, extrait => prière à Dieu
* Encyclopédie : article « Christianisme », auteur anonyme
Exemple d'inégalité : les pensions attribuées par Louis XV
Louis XV distribua les pensions avec autant de largesse que son aïeul. Voici quelques exemples de ses libéralités empruntés aux Mémoires du marquis d’Argenson.
11 février 1749 : « Le roi vient de donner 200 000 livres de pension à Madame Infante pour la mettre plus à l’aise dans la cour quelle va tenir à Parme. Sa Majesté a donné aussi 24 000 livres de pension à M. de Puysieux. »
2 septembre 1749 : il s’agit d’un domaine qui a été attribué à Mme de Pompadour. « Cela lui fera en tout 100 000 livres de rente en fonds de terre. »
4 août 1750 : « La marquise a acheté 300 000 livres la seigneurie de Sèvres avec la verrerie, ce qui lui vaudra 30 000 livres de rente avec le château de Bellevue tout bâti pour lui servir de chef-lieu en ce domaine. »
Exemple : Entretien d'un philosophe avec la maréchale de *** (Diderot, 1776)
Ce dialogue philosophique (genre très apprécié par Diderot) se fonde sur une conversation réelle que Diderot a en 1771 avec la maréchale De Broglie, reprise et approfondie deux ans plus tard avec Catherine II à Saint-Pétersbourg. Dès son retour de Russie, Diderot s’attelle à l’ouvrage dont le sujet est les rapports de la morale et de la religion.
À la maréchale, dévote éclairée pour qui orthodoxie religieuse et conduite morale sont inséparables, Diderot répond que la religion n’a pas d’influence réelle sur la moralité et qu’un philosophe incrédule peut être vertueux. Athée, Diderot affirme sa foi en l’homme qui peut pratiquer le bien sans crainte de l’enfer et soutient l’existence d’une morale naturelle, indépendante des sanctions de la religion. Mais il ne cherche pas à convaincre à tout prix la maréchale et son athéisme est moins violemment militant que celui de son ami d’Holbach.
Badinage, profondeur et humour caractérisent ce dialogue qui rivalise, par son style, avec la sobriété de Voltaire.
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Date de dernière mise à jour : 28/03/2020