Attention aux Mémoires apocryphes
Les Mémoires apocryphes font florès au 19e siècle.
Ghislain de Diesbach prend l'exemple des Mémoires d’une femme de qualité sur le Consulat et l’Empire (Mercure de France, 1966 et 1987) dont il rédige l'introduction.
On y apprend que l’auteur en est, pour la majeure partie, le baron de Lamothe-Langon (né en 1786).
Diesbach écrit : « La mode est alors des mémoires, vrais ou apocryphes. Une fois terminée cette prodigieuse période, aux allures de cataclysme et d’épopée, qui a bouleversé non seulement la France, mais l’Europe entière, il est naturel que les acteurs du drame, ou ses survivants, songent à se reposer. […] Tant de gens ses sont compromis pendant ce quart de siècle si mouvementé que les justifications abondent. […] Les femmes du monde ne restent pas en arrière. Elles ont peut-être joué des rôles plus effacés dans cette cour [napoléonienne] où elles étaient tenues pour peu, mais elles ont connu tout le monde, reçu bien des confidences, participé à bien des intrigues et, d'une éducation en général supérieure à celle de leurs maris ou de leurs amants, elles racontent infiniment mieux. Certaines ont même beaucoup d’esprit, comme la duchesse d’Abrantès [1] ou l’intelligente Mme de Rémusat, aux jugements lapidaires.
Écrire les pseudo-mémoires d’une femme qui aurait connu toute la société, celle de l’ancien régime et celle du nouveau, était une excellente idée, mais c’était une idée qui flottait dans l’air et que d’autres avaient utilisé déjà. Le comte de Courchamps, de son vrai nom Cousen et qui s’habillait en femme, venait d’accoucher des Souvenirs de la marquise de Créquy, souvenirs qui, en raison de l’extraordinaire longévité de la dame, morte centenaire sous le Consulat, constituent une véritable encyclopédie de la société du 18e siècle, de Louis XIV à Robespierre et Bonaparte. « Ces mémoires ne sont pas si apocryphes qu’on le prétend, disait la mère de Courchamps, car mon fils s’est servi des papiers mêmes de Mme de Créquy qu’il a seulement rédigés et auxquels il n’a guère ajouté que quelques fioritures. »
Il est vraisemblable que Lamothe-Langon a imité Courchamps et qu’il s’est servi, pour les Mémoires d’une femme de qualité, des papiers, notes et correspondances d’une femme qui, restée dans l’ombre sous l’Empire, brilla d’un bel éclat sous la Restauration, Zoé Talon, comtesse du Cayla [2]. […]
La parution des Mémoires d’une femme de qualité sous le Consulat et l’Empire, en 1830, ne souleva pas […] de récriminations […] et ne furent jamais désavoués. »
Notes
[1] Laure Pernon, épouse de Junot.
[2] Favorite de Louis XVIII qui, ayant peu de goût pour les femmes, en avait pour leur esprit. On raconte que la seule privauté qu’il se permettait était de lancer des boulettes de papier dans le corsage de la comtesse pour avoir le plaisir de les y repêcher… Zoé du Cayla est la dernière des favorites royales.
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