Repas au grand couvert
Le « grand couvert » est servi dans une antichambre qui précède l'Œil-de-bœuf ; la table carrée - ainsi que l'exige l'étiquette - est petite et couverte d'argenterie ; le roi et la reine seuls y prennent place, dans de grands fauteuils de brocart vert face à face. Auprès d'eux, les duchesses s'assoient sur des tabourets alignés et, derrière elles, debout, la foule des courtisans à laquelle se mêle qui veut : il suffit, pour assister à cette cérémonie d'avoir un chapeau à tenir sous le bras, un habit décent et une épée qu'on loue chez le concierge du château.
On commence par apporter les « cadenas » dorés qui renferment le sel, le poivre, les couverts et la serviette ; les carafes sont posées sur les dressoirs.
Escortés d'officiers des gardes du corps, les plats arrivent quasiment froids, le trajet depuis les cuisines du Grand Commun étant fort long.
Le menu peut comporter plus de cinquante plats : quatre potages, deux grandes entrées dont une pièce de bœuf aux choux et une longe de veau à la broche. Viennent ensuite seize petites entrées, dont les abattis de dindon au consommé, les ris de veau en papillote, le cochon de lait à la broche, les côtelettes de mouton grillées, la tête de veau sauce pointue... Puis voici les quatre hors-d’œuvre : carré de veau, filets de lapereau, dindonneau froid et jarret de veau. Suivent six plats de rôt, deux entremets moyens et seize petits entremets de légumes, d'œufs et de laitage ; enfin le dessert, fruits, raisins, grenades, poires, bigarades. Et, pour finir, quatre cents marrons et quarante-huit pains de beurre...
Scandaleux gaspillage qui va alimenter heureusement le « Serdeau », vaste marché de victuailles où l'on vend la desserte du château au grand profit des officiers de la Bouche.
Sources : Lenotre, Versailles au temps des rois.
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