Arts décoratifs
Dans l'ensemble
Intérêt pour la Chine
Il se manifeste dans le Trianon de porcelaine ou les pavillons exotiques.
L’Extrême-Orient commence à intéresser la France à la fin du 17e siècle. En 1668, Louis XIV envoie une ambassade au Siam. Entre 1698 et 1703, Le vaisseau l’Amphitrite fait deux voyages à Canton. De nombreux produits de l’industrie orientale arrivent à Versailles : les chinoiseries succèdent aux turqueries (à la mode au début du règne). On est incapable d’admirer l’art chinois dans son essence (le goût se forme au fil des siècles selon les catégories de pensée) mais on apprécie l’exotisme (découverte de l’Autre, perception de la relativité, etc.) et les techniques ingénieuses.
Un exemple ? En 1668, Louis XIV fait construire le « Trianon de porcelaine ». De style certes classique, l’œuvre de Le Vau se distingue par son revêtement extérieur de carreaux de Delft à décor bleu et blanc, et par les vases de même provenance qui décorent les toits. L’intérieur est décoré en teintes claires, gris, bleu, blanc et or « à la façon de la porcelaine ». De durée éphémère (remplacé dès 1698 par le Grand Trianon de Mansart), le Trianon de porcelaine est toutefois à l’origine de nombreux pavillons à la chinoise qui ornent les résidences princières.
Mais les notions sur l’architecture chinoise restent vagues : les voyageurs sont surtout frappés par les toitures incurvées de la Chine du Sud.
Au siècle suivant, on confond volontiers Chine, Japon et Turquie : on retrouve la toiture incurvée associée à une structure classique dans le Pavillon de Pillnitz édifié pour le château de Frédéric-Auguste de Saxe, dit Auguste Le Fort, et on l’appelle alors pavillon «indien ». Le kiosque élevé en 1738 dans le parc de Lunéville pour le roi de Pologne est dit « turc ». La maison construite à Potsdam pour le Grand Frédéric est dite « japonaise »...
Sources : Aspects de la Chine, Paul-David, P.U.F., 1959.
Hôtels particuliers et appartements
* Disposition des pièces
Le plan d’un hôtel relativement modeste du 17e siècle est le suivant.
Au rez-de-chaussée, appartement de Madame. Derrière la cour, au centre, le vestibule, pièce de passage ou d’attente. À droite de ce vestibule, l’antichambre, puis la chambre à coucher de Madame. À gauche, la cuisine donnant sur un garde-manger. De l’autre côté de la cour, relié au logis de Madame par un corridor et de part et d’autre de la porte cochère, les chambres des domestiques et la lingerie ou garde-robe (vêtements et chaise percée).
Au premier étage, l’appartement de Monsieur est disposé de même.
N’existent encore ni couloir, ni salon, ni salle à manger, ni salle de bain, encore très peu répandue. À Versailles, il existe par contre un cabinet de bains mais Louis XIV l’utilise rarement ; il sera transformé à la fin du siècle en appartement pour le comte de Toulouse.
* Décoration
Elle n’existe que pour les châteaux ou les hôtels des gens fortunés. Elle s’avère moins légère qu’à la Renaissance et manque de fantaisie ; la couleur n’y est présente qu’au plafond et dans les sculptures dorées.
À partir de Louis XIV, règnent le faste et la majesté dépourvus d’intimité. On protège les murs de boiseries et tapisseries. Le plafond, d’abord constitué de poutres apparentes (peintes), est ensuite composé de compartiments décorés d’allégories (cf. Le Brun à Versailles). Le plancher est formé de pièces de bois joliment assemblées.
Viennent ensuite les tapis, les cheminées et les glaces : 114 miroirs pour l’appartement de Mlle de la Vallière !
L’utilisation des pièces est différente de la nôtre. Les bourgeois, même aisés reçoivent dans la cuisine, les dames de la haute société reçoivent dans la ruelle de leur chambre, étendues ou assises sur le lit placé dans l’alcôve. Cette alcôve, parfois de grande dimension, abrite de sièges pour la compagnie de Madame.
Pas de salle à manger : on dispose des tréteaux et une planche dans une chambre ou une antichambre, si possible devant la cheminée. Même Louis XIV mange dans sa chambre (au petit couvert), à une table toujours carrée.
Les salons sont encore rares. On les appelle « salons de compagnie ».
Sources : Dictionnaire du Grand Siècle, François Bluche, Fayard, nouvelle édition 2005, Article de Georges Matoré.
Décoration d'intérieur à partir de 1660
Avant la multiplication des boutiques de luxe, la foire Saint-Germain propose depuis le 12e siècle ses nombreux comptoirs. Elle se déroule tous les ans au pied de l’abbaye de Saint-Germain, devenue Saint-Germain-des-Prés. D’abord limitée aux trois semaines qui suivent Pâques, elle se prolonge ensuite deux mois, de début février au dimanche des Rameaux.
Au 17e siècle, elle se présente comme un marché couvert de 20 pavillons et de 350 stands. En février 1664, Jean Loret en parle dans sa Muse historique et conseille d’y aller après le théâtre pour être dans l’air du temps.
La Compagnie des Indes orientales y ouvre des comptoirs, proposant antiquités et « curiosités ». Le style oriental devient à la mode, on vend des « ouvrages et meubles de la Chine », de la porcelaine chinoise très chère alors que les faïences de Saint-Cloud sont plus abordables. On applique de la laque chinoise qui devient le fameux « vernis Martin » à partir de 1714, devenu Privilège du Roi.
On invente la commode. Les quatre premières commodes sont livrées à Versailles en 1692 ; elles permettent de ranger les vêtements en différentes catégories, d'où leur nom. Boulle, devenu l’ébéniste du roi, invente la marqueterie.
Le porphyre antique devient à la mode, plaque de pierre d’un pourpre rougeâtre : en la polissant, elle prend tout son éclat. Posée sur du bois doré, Louis XIV la saisira chez Fouquet et en fera une table.
Edme-François Gersaint est le premier brocanteur de l’époque, au sens noble. Au début du siècle suivant, Watteau peindra une enseigne pour sa boutique du Pont-Neuf : c’est le fameux tableau L’Enseigne de Gersaint. Gersaint est le premier représentant du commerce de luxe et propose une multitude des tableaux et d’objets décoratifs, miroirs et divers accessoires de toilette enduits du fameux vernis Martin.
N'oublions pas l'importance des tapisseries qui décoraient les murs... et protégeaient du froid. En 1601, la Manufacture des Gobelins, qui depuis sa création en 1450 par Jehan Gobelin, avait été une teinturerie d'écarlate, devint un atelier de tapisserie, que protégèrent Henri IV, Louis XIII et Louis XIV. Achetée en 1662 par l'État pour être une manufacture de tapisserie, elle se transforme en 1667 en Manufacture royale des meubles de la Couronne, où sous la direction de Charles Le Brun d'abord, ensuite de Mignard, orfèvres, peintres, sculpteurs, ébénistes et tapissiers travaillent à l'embellissement des châteaux et demeures princières de France.
* Les miroirs, un luxe
Les miroirs sont un luxe et restent relativement petits jusqu’en 1690 mais les élégantes disposent de miroirs de poche. Jusqu’en 1660, tous les miroirs sont fabriqués à Venise et le plus grand ne mesure pas plus de 70 cm.
Anne d’Autriche, mère de Louis XIV, possède un miroir de 45 cm sur 35, un grand miroir à l’époque. Le plus grand est chez Fouquet et mesure 60 cm sur 60.
Pour pallier à leur petitesse, on en accroche plusieurs côté à côte sur un mur. On les encadre comme des tableaux, avec du bois rare et exotique incrusté d’ivoire ou du métal précieux incrusté de pierres. Les miroirs jouissent de la notoriété publique et on se déplace pour les voir (et s’y voir !).
À la fin du règne de Louis XIV, ils atteindront 2,70 mètres. Le roi et Colbert veulent prendre le contrôle de ce secteur à partir de 1664, mettent en place un système d’espionnage et achètent les meilleurs ouvriers de Murano. Jusque-là, les merciers avaient seuls le monopole de la vente des miroirs. En 1665 est créée au faubourg Saint-Antoine la Manufacture Royale des Glaces de Miroirs, un quartier réservé au mobilier depuis le Moyen Age. Les lettres patentes de 1666 lui réservent le monopole exclusif. En 1692, une partie de la production est délocalisée à Saint-Gobain. On peut constater l’importance que le roi accorde à ce produit luxueux en comparant les pensions annuelles accordées aux uns et aux autres : Racine reçoit 600 livres, Molière 1 000 livres et le chef de la manufacture… 1 200 livres (environ 60 000 euros). Il est difficile de trouver une équivalence des prix mais sachons que les filles des riches marchands reçoivent une dot de 75 000 livres (soit 3, 5 millions d’euros).
La manufacture est ouverte au public et devient un divertissement à la mode.
La cour s’installe officiellement à Versailles le 6 mai 1682. Le 1er décembre de la même année, on célèbre l’inauguration du château et de La Galerie des Glaces (alors appelée Grande Galerie) mais l’ensemble des travaux sera achevé le 15 novembre 1684. Cette galerie est une merveille décrite par le Mercure de décembre 1682 qui compare les miroirs à des « fausses fenêtres vis-à-vis des véritables ». On peut s’y voir en pied pour la première fois. Mais la réalité ne dépasse pas la fiction : en fait, chacune des 17 glaces est constituée de 21 plaques, si bien que l’on compte 357 petits panneaux. Escroquerie… Selon Alain Baraton (Vices et Versailles, Grasset, 2011), la technique utilisée pour les miroirs de la Galerie des Glaces, l'étamage, est source d'empoisonnement et de nombreux vitriers y trouvèrent la mort : il s'allie d'un alliage à base de mercure, nommé à l'époque le vif-argent.
Le prix des miroirs baisse progressivement : en 1700, un miroir de 25 x 30 cm vaut 3 livres, soit le prix d’un aller à Versailles dans une voiture louée pour quatre personnes (un transport collectif revient à 1, 25 livres).
Sources : Du style, Joan DeJean, Grasset, 2006
A propos du Bernin
Le surlendemain de son arrivée à Paris, le Bernin est reçu par Louis XIV. Le roi se tenait « dans la croisée d’une fenêtre » (Chantelou). De Gaulle qui ne se trouvait pas qu’un peu majestueux avait je crois la même extrême courtoisie que ce roi prenait aussi cette posture. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Politesse bien sûr, puisqu’ils ne restaient pas assis ; la fenêtre : je suis non-officiel détendu, vue jardin ?
Louis XIV, qui avait fait venir le Bernin pour compléter le Louvres, lui dit vouloir conserver les bâtiments de ses prédécesseurs, « mais que si pourtant l’on ne pouvait rien faire de grand sans abattre leur ouvrage, qu’il le lui abandonnait. » La création procède autant de la destruction que de la prolongation. Il ajoute « que ce qu’il a de charmant, ce Louis XIV de peu de charme, s’il avait grand genre (c’est-à-dire l’air sévère, affable et supérieur). On lui a reproché ses dépenses, les dieux des comptables le savent, c’est parce que par elles il a été généreux. Il l’était avec notre argent, sans doute ; d’autres qui n’ont pas été moins voraces n’ont pas laissé des châteaux pareils. Il dépensait pour sa gloire, c’était un peu la nôtre. Les Louis XI, les pisse-vinaigre sont plus aimables, vous trouvez ? Tous les arts étaient un, les phrases remarquables que le Bernin prononce sur la peinture et la sculpture sont les meilleurs conseils possibles en littérature [...].
Charles Dantzig, Traité des gestes (Grasset, 2017).
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Date de dernière mise à jour : 27/02/2024