Vive les fraises !

   Le 16 août 1714, le Saint-Joseph, voilier de 350 tonneaux, s’apprête à toucher la terre de France. Parti le 7 janvier 1712 à destination du Pérou été du Chili, on pense qu’il ralliera la port de La Rochelle ce soir, ou demain matin dès l’aube.

   A son bord le savant explorateur Frézier – le hasard fait bien les choses –, que Louis XIV a chargé d’une mission de confiance : découvrir de nouvelles variété de…. fraises !  

   Frézier rentre en France pleinement satisfait : il va pouvoir offrir au roi des plats de « fruits du Chili » (ainsi pense-t-il dénommer la variété des fraises) qu’il rapporte avec lui. Le roi les fera remettre au botaniste Jussieu afin qu’il les mette en terre à Paris en son Jardin des Plantes. Il pourra en étudier la croissance et la production, se dit-il.

   Si l’affaire réussit, Frézier pourra espérer obtenir une place de directeur des fortifications en Bretagne, place déjà promise bien avant son départ, à la suite de son Traité sur les feux d’artifice.

   En effet, Louis XIV raffole des fraises, à ce point que son médecin Fagon a dû les lui interdire, ce qui ne l’empêche pas d’en consommer de pleins « vaisseaux », mais en cachette.

  La culture des fraises est encore récente. Dans son ouvrage Les Délices de la campagne (1655), Nicolas de Bonnefon n’en indiquait que quatre variétés issues des fraises sauvages. Le botaniste Merlet en a désigné six.

   On peut lire :

   « Elles viennent toutes en même temps, l’une ronde, l’autre longue ; celle-ci est plus sèche et ne nourrit pas si aisément que la ronde qui a plus de suc et de goût. La fraise blanche (?) vient plus grosse ordinairement que la rouge, mais n’a pas le goût si relevé. Le fraiser à fleurs doubles charge beaucoup mais ne donne pas son fruit si gros que le fraisier ordinaire ; le fraisier qui ne fait point ou peu de traînées et qui pullule du pied est rare et exquis et donne de beaux et bons fruits. Le fraisier nommé Capron ne donne pas de si excellents fruits que les autres, étant fade, mais très gros et propre à orner un plat de fraises en en mettant quelques-unes autour. La fraise d’Angleterre est la plus grosse et la meilleurs de toutes. »

   On apprend aussi que les femmes mangent les fraises avec de la crème et du sucre et les hommes avec du vin.  

Sources : Almanach gastronomique, op. cit.

* * *