Sophie-Charlotte, reine philosophe
La reine de Prusse Sophie Charlotte, surnommée la reine philosophe, et les Lettres à Serena (Toland)
Sophie Charlotte de Hanovre, devenue reine de Prusse (épouse de Frédéric Ier), est la cousine et la filleule de la Palatine qui lui écrit de nombreuses lettres, notamment à la mort de sa mère, la duchesse de Hanovre, devenue héritière présomptive du trône d’Angleterre, qui éleva la Palatine.
Il y a en effet en Angleterre un débat politique : à qui reviendra la couronne après le décès de la reine Anne ? Toland se fait le partisan de la maison de Hanovre dans son Anglia libera (1701) : il ne faut pas que l’Angleterre redevienne catholique, elle doit sauvegarder sa liberté politique. La maison de Hanovre n’est pas mécontente, on s’en doute, et Toland, devenu agent politique à la solde du gouvernement, se rend à Berlin, Hanovre, Düsseldorf, Vienne, Prague ou La Haye.
Sophie Charlotte, surnommée la « reine philosophe », a correspondu (comme sa mère et sa tante la Palatine) avec Leibniz, lui demandant l’explication secrète des choses et, interrogeant Toland sur sa philosophie, provoque des controverses entre savants et exégètes qui vivent auprès d’elle. Il lui adresse en 1704 les Letters to Serena qui résument sa pensée et ont exercé une influence considérable dans l'histoire du matérialisme des Lumières. Toland élabore un matérialisme résolument dynamiste, à l'origine d'un « néo-spinozisme » original qui trouvera écho chez des philosophes tels que La Mettrie, Diderot ou d'Holbach.
Il lui explique que la croyance en l’immortalité de l’âme n’est pas exclusivement chrétienne et que c’est également un dogme païen : les Égyptiens ne l’ont-ils pas professé ? Il soutient que la croyance à un Dieu personnel est venue de l’idolâtrie : les homes ont décerné des qualités divines à des créatures humaines, ont bâti des temples, élevé des autels, dressé des statues institué des prêtres. On a habitué très tôt le peuple à se représenter Dieu à l’image de leurs souverains. Raison pour laquelle on le considère comme fantasque, changeant, jaloux, vindicatif et despotique (cf. Ancien Testament). Il réfute en somme Spinoza tout en subissant son influence et il met en usage le terme panthéiste.
Il s’emporte contre la superstition : « La sage-femme qui nous met au monde fait sur nous des cérémonies superstitieuses, et les bonnes femmes qui assistent à l’accouchement ont une infinité de charmes qu’elles croient propres à procurer du bonheur à l’enfant qui vient de naître ou à écarter les accidents. Elles ont des présages ridicules d’après lesquels elles prétendent connaître son sort futur. Dans quelques endroits le prêtre n’est pas moins alerte que ces commères... »
Sources : Paul Hazard, La Crise de la conscience européenne, 1680-1715, Fayard, 1961.
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