La Palatine et l'Allemagne
Nostalgie de la Palatine pour Heidelberg et le pays natal
La Palatine restera toute sa vie attachée à Heidelberg et au souvenir « des cerises mangées à cinq heures du matin sur la montagne. » On la marie au frère d’un roi qui vient de détruire en partie [1] son Palatinat natal et on l’oblige à adopter la religion catholique.
Arrivée en France, elle entretient une énorme correspondance avec sa famille en Allemagne, écrivant tous les jours plusieurs lettres à différents correspondants : à la duchesse de Hanovre, à la raugrave Louise, à la raugrave Amélie-Élisabeth, au raugrave Charles-Maurice [ses demi-sœurs et son demi-frère].
Très sentimentale, elle éclate en sanglots à la mort de son père. Mme de Sévigné écrit le 18 août 1680 : « Le père de Madame est mort, un gros Allemand le dit à Madame sans aucune précaution. Voilà Madame à crier, à pleurer, à faire un bruit étrange, on dit à s’évanouir, je n’en crois rien ; ce n’est point une personne à donner cette marque de faiblesse. »
Le Palatinat est totalement ravagé une deuxième fois en 1689 : « Ce qui augmente encore mon chagrin, c’est que je dois entendre tous les jours qu’on se prépare à brûler et à bombarder cette bonne ville de Mannheim que le défunt prince-électeur mon père avait fait bâtir avec tant de soin. Cela me fait saigner le cœur et encore on trouve très mauvais que je m’en afflige […]. Dût-on m’ôter la vie, il m‘est cependant impossible de ne pas regretter, de ne pas déplorer d’être pour ainsi dire le prétexte de la perte de ma patrie. Je ne puis voir de sang-froid détruire d‘un seul coup dans ce pauvre Mannheim tout ce qui a coûté tant de soins et de peines au feu prince-électeur mon père. Oui, quand je songe à tout ce qu’on y a fait sauter, cela me remplit d’une telle horreur que chaque nuit, aussitôt que je commence à m’endormir, il me semble être à Heidelberg ou à Mannheim, et voir les ravages qu’on y a commis. Je me réveille en sursaut, et je suis plus de deux heures sans pouvoir me redormir. Je me représente comment tout était de mon temps et dans quel état on l‘a mis aujourd’hui ; je considère aussi dans quel état je suis moi-même, et je ne puis m’empêcher de pleurer à chaudes larmes. Ce qui me désole surtout, c’est que le roi a précisément attendu pour tout dévaster que je l’eusse imploré en faveur de Heidelberg et de Mannheim. Et l’on trouve encore mauvais que je m’en afflige ! » (20 mars 1689)
À propos des protestants chassés de France par la Révocation de l’Édit de Nantes le 18 octobre 1685[2] : « Les pauvres réformés sont bien à plaindre de n’être pas en sûreté à Copenhague, lorsqu’ils pensaient y avoir trouvé un refuge. Ceux qui se sont établis en Allemagne y répandront le français. M. Colbert disait, paraît-il, qu’avoir beaucoup de sujets, c’était la richesse des rois et des princes, et il voulait que tout le monde se mariât et eût des enfants. Ces nouveaux sujets vont donc être la richesse pour les électeurs et les princes allemands. » (23 septembre 1699)
« J’ai vu dans la Gazette de Hollande qu’on se remet à bâtir à Heidelberg. Dites-moi si c’est vrai […].» (1er octobre 1699)
« Je suis toujours bien aise d’entendre parler de ce qui se passe en Allemagne : je suis comme les veux voituriers qui prennent plaisir à entendre claquer le fouet quand ils ne peuvent plus rouler sur les grandes routes. » (27 mars 1707)
La Palatine écrit sa dernière lettre à la duchesse Sophie de Hanovre le 15 juin 1714, qui meurt le 18 juin. Le 24 juin, elle fait part de sa douleur à Louise : « Cette chère électrice était toute ma consolation dans les nombreuses tribulations qui m’ont assaillie ; quand je les lui avais contées et que je tenais sa réponse, j’étais toute consolée. Et maintenant il me semble être seule au monde. »
Après un incendie à Francfort : « Je plains de tout mon cœur tous les pauvres gens atteints par le sinistre et les pauvres cigognes aussi. Elles m’ont souvent divertie à Heidelberg, quand je les regardais sur les cheminées de la ville, c’est pourquoi elles me sont chères. » (13 juillet 1719)
Elle ne reverra jamais Heidelberg. Le château est resté en l'état...
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Notes
[1] En 1675.
[2] Louis XIV considérait que l‘unité nationale était nécessairement liée à l’unité de la foi. La Révocation fut signée au château de Fontainebleau et enregistré par le Parlement le 22 octobre.
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