La Brelandière, première ambassadrice
Marie Petit, dite La Brelandière, première ambassadrice de France en Perse (Iran actuel)
Marie Petit, dite « La Brelandière », tenait un tripot à Paris, fréquenté par des gens très bien, notamment le financier Fabre, son amant, qui obtint de Louis XIV une mission auprès du Shah de Perse : nouer une alliance commerciale. L’expédition prit la route avec le secrétaire de Fabre... qui n’était personne d’autre que Marie, déguisée. Parvenir jusqu’à Ispahan n’était pas une mince affaire et le voyage dura trois mois. Fabre, exténué, mourut le 15 août 1706, à la frontière de la Perse, non sans avoir confié à Marie ses lettres d’accréditation, lui faisant promettre de mener à bien leur mission. La jeune femme, formée à la rude école des tripots parisiens, prit la tête de la caravane en direction de Trébizonde, où devait débarquer Arnaud, le fils de Fabre, envoyé par mer avec une cargaison précieuse de cadeaux pour le shah.
Mais on apprit la mort de Fabre. Un certain Michel, conseiller à l’ambassade de Constantinople, se fit nommer chef de mission à la place de Fabre et, sans attendre les lettres de créance de Louis XIV (il aurait fallu attendre quatre mois au moins), rejoignit la mission... et se heurta à Marie.
Elle n’avait nullement l’intention de se dessaisir des lettres-patentes ni de se démettre de sa fonction d’ambassadrice, tint tête au conseiller et à son renfort de jésuites scandalisés par cette femme de mauvaise vie qui, travestie en homme, prétendait accomplit une mission au nom de Louis XIV, ce Roi-Très-Chrétien...
Arrivés à Ispahan, Michel et les jésuites allèrent loger dans un couvent de capucins et Marie s’abrita dans un palais. Elle se fit introduire auprès du Shah et lui présenta ses lettres de créance, non sans avoir revêtu sa plus belle robe et s’être fardée à la dernière mode de Paris : du rouge, du blanc, des mouches, bref tout l’attirail. Le souverain fut séduit, en dépit des odalisques de son harem bien garni dont aucune, évidemment, n’avait la hardiesse et la fougue de Marie, qu’il baptisa le « princesse franque ». Il accueillit favorablement la proposition de traité commercial. On se doute que les entrevues, pas toujours professionnelles, se multiplièrent...
Le conseiller Michel obtint enfin ses lettres de créance Il fut reçu en audience solennelle, le Shah ne pouvant refuser de recevoir un envoyé officiel du roi. Marie assistait à la cérémonie. Michel fit d’abord la lecture de la longue épître dans laquelle Louis XIV lui demandait d’accorder à ses sujets un libre accès et un libre commerce dans ses États, à charge de réciprocité. Puis ce fut le défilé des nombreux présents. Le souverain annonça alors au conseiller qu’il s’était déjà mis d’accord avec la princesse franque pour ce qui était du commerce. Tout le succès de l’ambassade revint donc à Marie.
Cinq années avaient passé et Marie songea à regagner la France, emportant avec elle un sac rempli de bijoux offerts par le Shah, de quoi se bâtir un avenir doré, se disait-elle sur le bateau du retour.
Mais ses ennemis étaient nombreux et une lettre calomnieuses la précéda en France : on l’accusait d’avoir détourné à son profit une partie des cadeaux de Louis XIV au Shah. Arrivée à Marseille, elle fut accueillie par des exempts qui l’emmenèrent au Refuge des Dames de Saint-Vincent. On l’enferma dans une cellule et on lui fit coudre des sacs toutes la journée.
Au bout de deux ans, on s’aperçut que le conseiller Michel, à Ispahan, se livrait à des détournements de fonds et à des trafics d’influences. Et que le traité de commerce conclu par Marie, portait ses fruits.
Fallait-il donc continuer à la laisser ainsi se morfondre ? La Supérieure libéra Marie et lui rendit son sac de joyaux, lui tendant une lettre signée par Louis XIV qui exigeait son élargissement ainsi que la gratification de douze mille livres sur sa cassette « en remboursement des avances et frais de celle qui accompagna l’ambassadeur. »
Quel triomphe ! Le roi, qui admirait son courage, lui confia d’autres missions, notamment en Pologne.
Remarque
Louis XIV eut une espionne, née en suisse, Katharina von Wattenwyl. Emprisonnée à Berne, elle fut torturée mais l’intervention de sa famille la sauva.
Sources : Les Pionnières de l'Histoire, op.cit.
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