Angélique Paulet
Angélique Paulet, la lionne rousse
Angélique Paulet est la fille d‘un magistrat du Languedoc, inventeur de la « paulette », un impôt qui rend les charges publiques héréditaires. Rousse – couleur peu prisée à l’époque -, surnommée « la lionne », elle plaît toutefois par son visage rond, sa chair abondante et sa voix qu’elle accompagne du luth. Elle danse à merveille, dit-on. Elle est fêtée à l’Hôtel de Rambouillet et figure sous le nom de Parthénie dans le Dictionnaire des précieuses. Nombre de vers et chansons sont composés pour elle.
Elle a toutefois mauvaise réputation. Tallemant, dans ses Historiettes, raconte qu’Henri IV est assassiné alors qu’il se rend chez elle avec l’un de ses fils illégitimes, le duc de Vendôme. Elle collectionne scandales et amants jusqu’à la trentaine où elle s’adonne à la dévotion. Mme de Rambouillet « pour la remettre en bonne réputation, […] la reçut pour son amie, et la grande vertu de cette dame purifia, s’il faut ainsi dire, Mademoiselle Paulet qui depuis fut chérie et estimée de tout le monde. »
Mlle de Scudéry, dans son Grand Cyrus, la représente sous le nom d’Artamène. « L’ardeur avec laquelle elle aimait, son courage, sa fierté, ses yeux vifs et ses cheveux trop dorés, lui firent donner le surnom de Lyonne », poursuit Tallemant.
Remarque : ce n'est pas certes pas une intellectuelle dans l'acception classique du terme mais elle joua un rôle important dans le salon précieux de Mme de Rambouillet.
Lettre de Voiture à Mlle Paulet
Cette lettre, écrite à Ceuta, est datée du 7 août 1633. Voiture fit longtemps la cour à la « lionne rousse » - sa chevelure était d’un « blond hardi » - selon la mode précieuse puis ils se fâchèrent. Voici un exemple de cette préciosité (extraits), ici pleine d’enjouement et d’humour :
« ... La mer qui se trouve entre vous et moi ne peut rien éteindre de la passion que j’ai pour vous, et quoique tous les esclaves de la chrétienté se trouvent libres en abordant cette côte, je ne suis pas moins à vous pour cela. Ne vous étonnez pas de m’ouïr dire des galanteries si ouvertement. L’air de ce pays m’a déjà donné je ne sais quoi de félon qui fait que je vous crains moins, et quand je traiterai désormais avec vous, faites état que c’est de Turc à More[1]. Il ne doit pourtant pas vous déplaire que je vous parle d’amour de si loin, et quand ce ne serait que par curiosité, vous devez être bien aise de voir des poulets[2] de Barbarie. Il manquait à vos aventures d’avoir un amant au-delà de l’Océan, et, comme vous en avez dans toutes les conditions, il faut que vous en ayez dans toutes les parties du monde. Je gravai hier vos chiffres[3] sur une montagne qui n’est guère plus basse que les étoiles et de laquelle on découvre sept royaumes, et j’envoie demain des cartels[4] aux Mores de Maroc et de Fez, où je m’offre à soutenir que l‘Afrique n’a jamais rien produit de plus rare, ni de plus cruel que vous. Après cela, je n’aurai plus rien à faire ici que d’aller voir vos parents[5], à qui je veux parler de ce mariage qui a fait autrefois tant de bruit, et tâcher d’avoir leur consentement, afin que personne ne s’y oppose plus. À ce que j’entends ce sont gens peu accostables. J’aurai de la peine à les trouver. On m’a dit qu’ils doivent être au fond de la Libye, et que les lions de cette côte sont moins nobles et moins grands. On en vend ici de jeunes qui sont extrêmement gentils. J’ai résolu de vous en envoyer une demi-douzaine, au lieu de gants d’Espagne : car je sais que vous les estimerez davantage, et ils sont à meilleur marché. Tout de bon, on en donne ici pour trois écus, qui sont les plus jolis du monde : en se jouant, ils emportent un bras ou une main à une personne, et après vous, je n’ai jamais rien vu de plus agréable. Disposez, s’il vous plaît, Mme Anne[6] à s’accommoder avec eux et à leur donner la place de Dorinthe[7]. Je vous les enverrai par le premier vaisseau qui partira et plût à Dieu que je pusse aller avec eux me mettre à vos pieds ! Ce sera là, Mademoiselle, qu’ils auront sujet d’être les plus fiers amoureux de la terre, et de s’estimer les rois de tous les autres... ».
La lettre est signée Voiture l‘Africain. Sachons que Voiture, au service de Monsieur, Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII et éternel factieux, fut longtemps suspect à Richelieu. Ses exils forcés ou volontaires lui fournirent l’occasion de voyager en Belgique, en Espagne ou au Maroc, et d’écrire à Hôtel de Rambouillet, auquel manquait tant, lui, « l’âme du rond ».
Date de dernière mise à jour : 12/09/2019