Vocabulaire cornélien
Bon à savoir
La tragédie du 17e siècle, comme tout genre fortement constitué, possède une langue qui lui est propre. Celle-ci n’est autre que la langue générale de l’époque, avec une prédilection marquée pour certains tours, certaines expressions et un certain ton.
Dans la langue générale du siècle, il faut remarquer la richesse du vocabulaire psychologique et intellectuel, le champ lexical des sentiments, des orientations morales et des idées abstraites. Notons également que certains mots avaient un sens plus fort qu’aujourd’hui, d’autres un sens plus large ou au contraire plus restreint. Un grand nombre de termes empruntaient à l’étymologie latine ou à l’usage du vieux français une signification qui s’est, depuis, affaiblie ou effacée. En outre, la noblesse du genre tragique, la place qu’y tenaient la galanterie et l’amour, l’influence de la société polie et précieuse imposaient aux auteurs certaines habitudes de langage, notamment l’emploi d’expressions métaphoriques consacrées.
Mots et expressions les plus usités dont le sens s’est modifié
- Adorer : aimer passionnément
- Affreux : qui cause une terreur comparable aux affres (grand effroi) de la mort
- Alarmes : périls de la guerre
- Amant : celui qui aime et est aimé
- Amitié : tendresse, amour
- Amoureux : celui qui aime et n’est pas aimé
- Caractère : titre naturel ou légal qui donne telle ou telle qualité.
- Charme : effet ou remède magique
- Conseil : résolution
- Constance : fermeté d’âme qui résiste aux coups du sort
- Consulter : délibérer, hésiter
- Conte, conter : compte, compter
- Content : dont les désirs sont satisfais
- Courage : cœur, qualités morales
- Déplaisir : grave douleur morale
- Déplorable : dont l’état mérite des pleurs
- Discours : propos
- Dompter : vaincre, soumettre
- Effet : réalisation, action (par opposition aux paroles)
- En effet : en réalité
- Embrasé : rempli d’n amour ardent
- Embrasser : serrer das ses bras
- Ennui : très grave affliction, désespoir
- Ensemble : en même temps
- Envier : refuser (quelque chose à quelqu’un)
- Esprits : principes vitaux, dans l’ancienne médecine
- Reprendre ses esprits : revenir à soi
- Estomac : poitrine
- Étonner : paralyser de stupeur, comme ferait un coup de tonnerre
- Feu, flamme : ardeur amoureuse
- Fier : cruel
- Flatter : entretenir quelqu’un dans une illusion agréable
- Se flatter : se faire illusion
- Foi : promesse solennelle, serments, promesse d’amour
- Funeste : qui cause le mort ou en donne l’idée
- Gêne, gêner : torture, torturer
- Généreux : qui a l’âme noble
- Gloire : honneur, bonne réputation d’une femme (voir infra)
- Hasard : danger
- Heur : bonheur
- Hymen, hyménée : mariage
- Intéresser (s’) : prendre parti
- Liens : ce qui met dans la dépendance d’une personne aimée
- Lois : autorité exercée par quelqu’un ; empire qu’une femme exerce sur un homme
- Lors : alors
- Magnanime : qui a des sentiments nobles
- Maîtresse : personne aimée qu’on recherche en mariage
- Manie : folie furieuse
- Mouvements : agitations de l’âme produites par une passion
- Nœud : union, liens du mariage
- Nourri : élevé, formé
- Objet : 1 / ce qui est placé devant les yeux, ce qui frappe la vue ; 2/ personne aimée
- Perfide : qui manque à la foi jurée
- Proposer : mettre en avant
- Province : état, royaume
- Querelle : cause, parti de quelqu’un
- Ravir : entraîner par un sentiment d’admiration ou d’amour
- Résoudre (quelqu’un à faire quelque chose) : le décider
- Sang : race, famille (ancêtres ou descendants)
- Soin : souci, prévenances amoureuses
- Soutenir : faire honneur à, défendre
- Succès : résultat, issue (bonne ou mauvaise)
- Temps (prendre son) : choisir le moment favorable
- Tourment : vive douleur morale
- Trait : action qui manifeste en sentiment
- Transport : mouvement violent de l’âme
- Travaux : faits de guerre, exploits
- Vertu : valeur, bravoure, énergie morale (voir infra)
Attardons-nous sur certains mots-clés
Devoir : Obligation d’ordre moral. Dans la plupart des cas l’obligation d l’honneur ou de la gloire ; obligation qui peut cependant être étrangère à la morale ordinaire en commandant la vengeance ou en soutenant l’ambition, en poussant même au crime.
Estime : L’estime naît de la considération des mérites. L’amour glorieux se nourrit d’estime réciproque. Le mot s’applique aussi à la bonne réputation dont on est l’objet, à la gloire.
Générosité : C’est au sens étymologique du terme la noblesse du sang de naissance, de race, puis la noblesse du naturel, du caractère, liée à la précédente. Est donc généreux / généreuse celui / celle qui est à la fois noble de race et noble de nature (sans idée d’inclination ou de libéralité facile).
Gloire : Considération, « honneur, estime, réputation qui procède du mérite d’une personne » (Dictionnaire de l’Académie). À côté de cette gloire-réputation il y a une gloire personnelle : sentiment de fierté, haute idée que les héros ont d’eux-mêmes et de ce qu’ils se doivent. La gloire s’accorde avec l’amour ou lui est contraire ; elle anime l’amour de la patrie ou de Dieu, mais aussi l’ambition, la vengeance, la colère, la haine ; elle est presque toujours satisfaite au prix du bonheur.
Honneur : Bien moral dont on jouit dans la mesure où on a le sentiment de mériter de la considération et de garder le droit à sa propre estime.
Mérite : Ensemble des qualités, physiques et morales, des vertus propres à une élite.
Vertu : Sens très étendu du latin virtus, ensemble des qualités viriles, physique ou morales. Se dit aussi de la valeur morale d’une personne, de sa grandeur d’âme, de son mérite et de l’aspiration à la gloire.
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Date de dernière mise à jour : 18/03/2020