Roxane, Atalide et Zaïre (Bajazet, Racine)
Extraits
Bajazet (Racine), Acte V scène 4, 11 et 12
Bon à savoir
Bajazet (1672) est une tragédie sanglante de sérail qui séduit les spectateurs du temps par son exotisme : les Turcs, un lointain sultan et ses janissaires, un grand vizir secret, une sultane altière, cruelle, fougueuse mais indolente comme une déité orientale, un Bajazet à la fois vaillant et passif, tous sont réellement cruels et sanguinaires et suivent les mœurs de l’Orient.
Toutefois, on peut considérer Bajazet comme une pièce moderne en comparaison de ses pièces aux sources grecques, romaines ou religieuses. En effet, Racine innove en situant sa pièce à Constantinople au 17e siècle. Comme il l’explique lui-même dans sa préface[1] (cf. infra), il substitue l’éloignement dans l’espace à l’éloignement das le temps. Racine s’inspire d’un drame authentique qui s’est déroulé dans l’entourage du sultan de Byzance[2] en 1635[3], raconté à Paris par l‘ambassadeur de France à Constantinople et rapporté à Racine par le chevalier de Nantouillet. Mais il y affirme une cruauté tragique, aux dépens de la légende ou de l’histoire (il a complètement inventé le caractère d’Acomat) : l’intrigue se déroule entre trois êtres passionnés qui se déchirent jusqu’à la mort dans le huis-clos du sérail. Mme de Sévigné traite Bajazet de « grande tuerie » : en effet, comme dans une tragi-comédie de l’époque baroque, la pièce accumule les morts et ensanglante le sérail. Dès le début de l’action, le sultan Amurat, invisible, cruel et tout-puissant, a réglé de loin le sort de ceux qui le trahissaient et se croyaient libres d’ourdir leurs intrigues. Dépêché sur les lieux, le fidèle Orcan sacrifie Roxane à la colère de son maître. Bajazet résiste héroïquement mais tombe sous les coups. Atalide se suicide devant les spectateurs (règle de la bienséance non respectée).
Résumé
Le sultan Amurat guerroie au loin. Son grand vizir Acomat manœuvre à Byzance pour le renverser et lui substituer sur le trône son jeune frère Bajazet dont Roxane, la favorite, tombe amoureuse. Atalide, qu’Acomat espère épouser, sert d’intermédiaire entre les futurs amants. Mais Atalide et Bajazet s’aiment depuis longtemps en secret. Roxane, soupçonneuse et inquiète devant la froideur de Bajazet, exige qu’il l’épouse le jour même, sinon elle le fera mettre à mort. Atalide persuade Bajazet d’accepter le marché mais elle ne peut s’empêcher de ressentir dépit et jalousie et Bajazet ne témoigne à Roxane que sa reconnaissance. Celle-ci finit par découvrir la vérité, grâce à une lettre saisie sur Atalide évanouie. Une scène dramatique oppose alors Roxane à Bajazet : réconciliation ou mise à mort ? Lisons la scène :
Acte V, scène 4
BAJAZET, ROXANE
ROXANE
Je ne vous ferai point des reproches frivoles :
Les moments sont trop chers pour les perdre en paroles.
Mes soins vous sont connus ; en un mot, vous vivez ;
Et je ne vous dirais que ce que vous savez.
Malgré tout mon amour, si je n’ai pu vous plaire,
Je n’en murmure point ; quoiqu’à ne vous rien taire,
Ce même amour, peut-être, et ces mêmes bienfaits,
Auraient dû suppléer à mes faibles attraits.
Mais je m’étonne enfin que, pour reconnaissance,
Pour prix de tant d’amour, de tant de confiance,
Vous ayez si longtemps, par des détours si bas,
Feint un amour pour moi que vous ne sentiez pas.
BAJAZET.
Qui ? moi, madame ?
ROXANE.
Oui, toi. Voudrais-tu point encore
Me nier un mépris que tu crois que j’ignore ?
Ne prétendrais-tu point, par tes fausses couleurs,
Déguiser un amour qui te retient ailleurs ;
Et me jurer enfin, d’une bouche perfide,
Tout ce que tu ne sens que pour ton Atalide ?
BAJAZET.
Atalide, madame ! Ô ciel ! qui vous a dit…
ROXANE.
Tiens, perfide, regarde, et démens cet écrit.
BAJAZET, après avoir regardé la lettre.
Je ne vous dis plus rien : cette lettre sincère
D’un malheureux amour contient tout le mystère ;
Vous savez un secret que, tout prêt à s’ouvrir,
Mon cœur a mille fois voulu vous découvrir.
J’aime, je le confesse ; et devant que votre âme.
Prévenant mon espoir, m’eût déclaré sa flamme,
Déjà plein d’un amour dès l’enfance formé,
À tout autre désir mon cœur était fermé.
Vous me vîntes offrir et la vie et l’empire ;
Et même votre amour, si j’ose vous le dire,
Consultant vos bienfaits, les crut, et, sur leur foi,
De tous mes sentiments vous répondit pour moi.
Je connus votre erreur. Mais que pouvais-je faire ?
Je vis en même temps qu’elle vous était chère.
Combien le trône tente un cœur ambitieux !
Un si noble présent me fit ouvrir les yeux.
Je chéris, j’acceptai, sans tarder davantage,
L’heureuse occasion de sortir d’esclavage,
D’autant plus qu’il fallait l’accepter ou périr ;
D’autant plus que vous-même, ardente à me l’offrir,
Vous ne craigniez rien tant que d’être refusée ;
Que même mes refus vous auraient exposée ;
Qu’après avoir osé me voir et me parler,
Il était dangereux pour vous de reculer.
Cependant je n’en veux pour témoins que vos plaintes,
Ai-je pu vous tromper par des promesses feintes ?
Songez combien de fois vous m’avez reproché
Un silence témoin de mon trouble caché :
Plus l’effet de vos soins et ma gloire étaient proches,
Plus mon cœur interdit se faisait de reproches.
Le ciel qui m’entendait, sait bien qu’en même temps
Je ne m’arrêtais pas à des vœux impuissants ;
Et si l’effet enfin, suivant mon espérance,
Eût ouvert un champ libre à ma reconnaissance,
J’aurais par tant d’honneurs, par tant de dignités,
Contenté votre orgueil, et payé vos bontés,
Que vous-même peut-être…
ROXANE.
Et que pourrais-tu faire ?
Sans l’offre de ton cœur, par où peux-tu me plaire ?
Quels seraient de tes vœux les inutiles fruits ?
Ne te souvient-il plus de tout ce que je suis ?
Maîtresse du sérail, arbitre de ta vie,
Et même de l’État, qu’Amurat me confie,
Sultane, et, ce qu’en vain j’ai cru trouver en toi,
Souveraine d’un cœur qui n’eût aimé que moi :
Dans ce comble de gloire où je suis arrivée,
À quel indigne honneur m’avais-tu réservée ?
Traînerais-je en ces lieux un sort infortuné,
Vil rebut d’un ingrat que j’aurais couronné,
De mon rang descendue à mille autres égale,
Ou la première esclave enfin de ma rivale ?
Laissons ces vains discours ; et, sans m’importuner,
Pour la dernière fois, veux-tu vivre et régner ?
J’ai l’ordre d’Amurat, et je puis t’y soustraire.
Mais tu n’as qu’un moment : parle.
BAJAZET.
Que faut-il faire ?
ROXANE.
Ma rivale est ici, suis-moi sans différer ;
Dans la main des muets[4] viens la voir expirer ;
Et, libre d’un amour à ta gloire funeste,
Viens m’engager ta foi ; le temps fera le reste.
Ta grâce est à ce prix, si tu veux l’obtenir.
BAJAZET.
Je ne l’accepterais que pour vous en punir ;
Que pour faire éclater aux yeux de tout l’empire
L’horreur et le mépris que cette offre m’inspire.
Mais à quelle fureur me laissant emporter,
Contre ses tristes jours vais-je vous irriter !
De mes emportements elle n’est point complice,
Ni de mon amour même et de mon injustice ;
Loin de me retenir par des conseils jaloux,
Elle me conjurait de me donner à vous.
En un mot, séparez ses vertus de mon crime.
Poursuivez, s’il le faut, un courroux légitime ;
Aux ordres d’Amurat hâtez-vous d’obéir :
Mais laissez-moi du moins mourir sans vous haïr.
Amurat avec moi ne l’a point condamnée :
Épargnez une vie assez infortunée.
Ajoutez cette grâce à tant d’autres bontés,
Madame ; et si jamais je vous fus cher…
ROXANE.
Sortez.
Pistes de réflexion
* Psychologie de Roxane : ses passions élémentaires, leur progression vers la décision fatale.
* Personnage de Bajazet : jugement sur son comportement ? Mme de Sévigné le trouvait « glacé » et Voltaire le comparait à un « courtisan français ». C’est faux (cf. son caractère, son passé, la situation dans laquelle il est placé).
* Un duel à mort : quels sont les procédés stylistiques et rythmiques qui confèrent à la scène une forte intensité dramatique ? Quel principe de la dramaturgie classique est ici porté à son maximum de cruauté ?
_ _ _
Acte V, scène 11
ATALIDE, ACOMAT, OSMIN[5], ZAÏRE[6].
ACOMAT.
Ses yeux ne l’ont-ils point séduite[7] ?
Roxane est-elle morte ?
OSMIN.
Oui, j’ai vu l’assassin
Retirer son poignard tout fumant de son sein.
Orcan, qui méditait ce cruel stratagème,
La servait à dessein de la perdre elle-même ;
Et le sultan l’avait chargé secrètement
De lui sacrifier l’amante après l’amant.
Lui-même, d’aussi loin qu’il nous a vus paraître :
« Adorez, a-t-il dit, l’ordre de votre maître ;
« De son auguste seing reconnaissez les traits[8],
« Perfides, et sortez de ce sacré palais. »
À ce discours, laissant la sultane expirante,
Il a marché vers nous ; et d’une main sanglante
Il nous a déployé l’ordre dont Amurat
Autorise ce monstre à ce double attentat.
Mais, seigneur, sans vouloir l’écouter davantage,
Transportés à la fois de douleur et de rage,
Nos bras impatients ont puni ce forfait,
Et vengé dans son sang la mort de Bajazet.
ATALIDE.
Bajazet !
ACOMAT.
Que dis-tu ?
OSMIN.
Bajazet est sans vie.
L’ignoriez-vous ?
ATALIDE.
Ô ciel !
OSMIN.
Son amante en furie,
Près de ces lieux, seigneur, craignant votre secours,
Avait au nœud fatal[9] abandonné ses jours.
Moi-même des objets j’ai vu le plus funeste,
Et de sa vie en vain j’ai cherché quelque reste :
Bajazet était mort. Nous l’avons rencontré
De morts et de mourants noblement entouré,
Que, vengeant sa défaite, et cédant sous le nombre,
Ce héros a forcés d’accompagner son ombre.
Mais puisque c’en est fait, seigneur, songeons à nous.
ACOMAT.
Ah ! destins ennemis, où me réduisez-vous ?
Je sais en Bajazet la perte que vous faites,
Madame ; je sais trop qu’en l’état où vous êtes
Il ne m’appartient point de vous offrir l’appui
De quelques malheureux qui n’espéraient qu’en lui :
Saisi, désespéré d’une mort qui m’accable,
Je vais, non point sauver cette tête coupable,
Mais, redevable aux soins de mes tristes amis,
Défendre jusqu’au bout leurs jours qu’ils m’ont commis.
Pour vous, si vous voulez qu’en quelque autre contrée
Nous allions confier votre tête sacrée,
Madame, consultez : maîtres de ce palais,
Mes fidèles amis attendront vos souhaits ;
Et moi, pour ne point perdre un temps si salutaire,
Je cours où ma présence est encor nécessaire ;
Et jusqu’au pied des murs que la mer vient laver,
Sur mes vaisseaux tout prêts je viens vous retrouver.
Acte V, scène XII
ATALIDE, ZAÏRE.
ATALIDE.
Enfin c’en est donc fait ; et par mes artifices,
Mes injustes soupçons, mes funestes caprices,
Je suis donc arrivée au douloureux moment
Où je vois par mon crime expirer mon amant !
N’était-ce pas assez, cruelle destinée,
Qu’à lui survivre, hélas ! je fusse condamnée ?
Et fallait-il encor que pour comble d’horreurs
Je ne pusse imputer sa mort qu’à mes fureurs ?
Oui, c’est moi, cher amant, qui t’arrache la vie ;
Roxane, ou le sultan, ne te l’ont point ravie :
Moi seule, j’ai tissu le lien malheureux
Dont tu viens d’éprouver les détestables nœuds.
Et je puis sans mourir en souffrir la pensée,
Moi qui n’ai pu tantôt, de ta mort menacée,
Retenir mes esprits, prompts à m’abandonner !
Ah ! n’ai-je eu de l’amour que pour t’assassiner ?
Mais c’en est trop : il faut, par un prompt sacrifice,
Que ma fidèle main te venge et me punisse.
Vous, de qui j’ai troublé la gloire et le repos,
Héros[10], qui deviez tous revivre en ce héros ;
Toi, mère malheureuse[11], et qui dès notre enfance
Me confias son cœur dans une autre espérance ;
Infortuné vizir, amis désespérés,
Roxane, venez tous, contre moi conjurés,
Tourmenter à la fois une amante éperdue ;
Et prenez la vengeance enfin qui vous est due.
(Elle se tue.)
ZAÏRE.
Ah ! Madame !… Elle expire. Ô ciel ! en ce malheur
Que ne puis-je avec elle expirer de douleur !
_ _ _ Fin de Bajazet.
Préface de Bajazet (extrait)
« ... Quelques lecteurs pourront s’étonner qu’on ait osé mettre sur la scène une histoire si récente ; mais je n’ai rien vu dans les règles du poème dramatique qui dût me détourner de mon entreprise. À la vérité, je ne conseillerais pas à un auteur de prendre pour sujet d’une tragédie une action aussi moderne que celle-ci, si elle s’était passée dans le pays où il veut faire représenter sa tragédie ; ni de mettre des héros sur le théâtre qui auraient été connus de la plupart des spectateurs. Les personnages tragiques doivent être regardés d’un autre œil que nous ne regardons d’ordinaire les personnages que nous avons vus de si près. On peut dire que le respect que l’on a pour les héros augmente à mesure qu’ils s’éloignent de nous : « major e loginquo reverentia ». L’éloignement des pays répare, en quelque sorte, la trop grande proximité des temps : car le peuple ne met guère de différence entre ce qui est, si j’ose ainsi parler, à mille ans de lui, et ce qui en est à mille lieues... » (Racine)
[1] Cf. infra.
[2] Constantinople.
[3] Amurat IV, surnommé l’Intrépide, fils d’Achmet Ier, salué empereur au mois de septembre 1623, à l’âge de quinze ans. Il mourut à quarante-deux, des suites de ses débauches, le 8 février 1640.
[4] Esclaves du harem auxquels on a coupé la langue.
[5] Confident du grand vizir Acomat.
[6] Esclave d’Atalide.
[7] Trompée.
[8] Les caractères de sa signature.
[9] Le lacet des muets.
[10] Héros de la noble famille des Ottomans dont font partie Atalide et Bajazet.
[11] La sultane, mère de Bajazet, qui unit dès l’enfance Atalide et Bajazet.
Monologue de Roxane (Acte IV, scène 4)
Rappel du contexte
Pour obtenir le trône de Byzance, le prince Bajazet fait croire à Roxane, favorite du sultan Amurat, qu’il partage sa passion alors qu’il est secrètement amoureux d’Atalide. Or, Roxane découvre ce mensonge et décide de ses venge des deux amants.
Acte IV, scène 4
ROXANE, seule.
Ma rivale à mes yeux s’est enfin déclarée.
Voilà sur quelle foi je m’étais assurée.
Depuis six mois entiers j’ai cru que nuit et jour
Ardente elle veillait au soin de mon amour.
Et c’est moi qui du sien ministre trop fidèle
Semble depuis six mois ne veiller que pour elle,
Qui me suis appliquée à chercher les moyens
De lui faciliter tant d’heureux entretiens,
Et qui même souvent prévenant son envie
Ai hâté les moments les plus doux de sa vie.
Ce n’est pas tout. Il faut maintenant m’éclaircir,
Si dans sa perfidie elle a su réussir.
Il faut… Mais que pourrais-je apprendre davantage ?
Mon malheur n’est-il pas écrit sur son visage ?
Vois-je pas au travers de son saisissement,
Un cœur dans ses douleurs content de son amant ?
Exempte des soupçons dont je suis tourmentée,
Ce n’est que pour ses jours qu’elle est épouvantée.
N’importe. Poursuivons. Elle peut comme moi
Sur des gages trompeurs s’assurer de sa foi.
Pour le faire expliquer tendons-lui quelque piège.
Mais quel indigne emploi moi-même m’imposé-je ?
Quoi donc ! À me gêner appliquant mes esprits
J’irai faire à mes yeux éclater ses mépris ?
Lui-même il peut prévoir et tromper mon adresse.
D’ailleurs l’ordre, l’esclave, et le vizir me presse.
Il faut prendre parti, l’on m’attend. Faisons mieux.
Sur tout ce que j’ai vu fermons plutôt les yeux.
Laissons de leur amour la recherche importune.
Poussons à bout l’ingrat, et tentons la fortune.
Voyons, si par mes soins sur le trône élevé,
Il osera trahir l’amour qui l’a sauvé.
Et si de mes bienfaits lâchement libérale
Sa main en osera couronner ma rivale.
Je saurai bien toujours retrouver le moment
De punir, s’il le faut, la rivale, et l’amant.
Dans ma juste fureur observant le perfide
Je saurai le surprendre avec son Atalide.
Et d’un même poignard les unissant tous deux,
Les percer l’un et l’autre, et moi-même après eux.
Voilà, n’en doutons point, le parti qu’il faut prendre,
Je veux tout ignorer.
Pistes de lecture
- Bon à savoir : le monologue est une convention théâtrale qui remplit des fonctions diverses.
1/ On peut donc se demander la fonction que remplit ce dialogue
=> Roxane, favorite du sultan, s’interroge sur la trahison du prince Bajazet.
=> Roxane revient sur ses illusions et ses erreurs durant « six mois entiers » (événements qui se sont déroulés hors scène). Le monologue comme source d’information et bilan.
=> En suspendant l’action, le monologue fait un arrêt sur le présent (« maintenant » et usage du présent)
=> Ce monologue marque un moment crucial de délibération qui met en relief les enjeux de l’intrigue. Roxane se demande s’il faut « tendre quelque piège » ou attendre pour se venger. De cette délibération naîtra une décision.
=> Ce moment de délibération est l’occasion pour l’héroïne de libérer ses sentiments, de permettre l’expression lyrique de sa douleur. Par là, elle dévoile sa personnalité. Roxane, amoureuse, révèle sa jalousie vengeresse. Dans sa « fureur », elle veut « punir » sa « rivale » et son « amant ». Ainsi, le monologue permet de comprendre les mobiles et les sentiments qu’elle ne peut dévoiler face aux autres personnages.
2/ On peut donc s’interroger sur les sentiments qu’exprime l’héroïne et la manière dont ils sont mis en évidence.
=> Roxane est une amoureuse passionnée. Elle utilise deux fois le mot « amour ».
=> Elle se sent trahie dans son amour et exprime sa déception, sa désillusion et sa douleur : long retour sur ses erreurs (« Et c’est moi qui... »), mots forts (« saisissement », « tourmentée », « épouvantée » à la rime), rythme ample (des vers 5 à 10) ou au contraire heurté (vers 13, 27, 41).
=> Jalousie, mépris et haine : mots violents et péjoratifs (« rivale », « perfidie », « perfide », « son Atalide », ingrat »).
=> Désir de vengeance : Roxane affolée par l’urgence de la situation, en « fureur », veut aussi « punir », prendre une décision (répétition de « il faut », nombreux impératifs) mais elle se débat et lutte (nombreuses questions) et finit par reporter sa vengeance.
Bajazet et l'histoire
Dans sa Préface à Bajazet, Racine écrit que la source en est le récit qu’on lui a fait d’une « aventure arrivée dans le sérail il n‘y a pas plus de trente ans et que l’éloignement des pays répare en quelque sorte la trop grande proximité des temps. » Pour Racine en effet, le sujet historique est nécessaire : sans cela, les personnages, trop semblables « à ceux que nous avons vus de si près », manqueraient de prestige et de poésie.
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Date de dernière mise à jour : 24/04/2020