Psyché, Corneille
Corneille ?
Corneille âgé cède à l’appel de la tendresse - contre lequel il avait lutté du temps des grandes tragédies – avec le lyrisme amoureux de Psyché, tragédie-ballet, « pièce à machine », dont il versifie pour Molière la plus grande partie (1671), aidé par Quinault.
Résumé
Comme l’ordonnait un oracle, Psyché a été exposée sur des « rochers affreux » pour y être la proie d’un monstre. Mais un premier prodige transforme ce « désert » en un magnifique palais. Survient un nouveau prodige : au lieu du monstre tant redouté, c’est l’Amour en personne qui apparaît. Psyché s’éprend de lui aussitôt et le lui avoue. Naissance de l’amour dans un cœur de jeune fille étonnée et ravie, innocente et hardie à la fois, un rien précieuse. On peut noter la libre alternance de l‘alexandrin, du décasyllabe et de l’octosyllabe, des rimes plates, croisées et embrassées qui contribue à un lyrisme léger et mélodieux.
À peine je vous vois, que mes frayeurs cessées
Laissent évanouir l’image du trépas,
Et que je sens couler dans mes veines glacées
Un je ne sais quel feu que je ne connais pas.
J’ai senti de l’estime et de la complaisance,
De l’amitié, de la reconnaissance[1] ;
De la compassion les chagrins innocents
M’en ont fait sentir la puissance ;
Mais je n’ai point encor senti ce que je sens.
Je ne sais ce que c’est, mais je sais qu’il[2] me charme,
Que je n’en conçois point d’alarme :
Plus j’ai les yeux sur vous, plus je m’en[3] sens charmer.
Tout c que j’ai senti n’agissait point de même,
Et je dirais que je vous aime,
Seigneur, si je savais ce que c’est que d’aimer.
Ne les détournez point, ces yeux qui m’empoisonnent,
Ces yeux tendres, ces yeux perçants, mais amoureux[4],
Qui semblent partager le trouble qu’ils me donnent.
Hélas ! Plus ils sont dangereux,
Plus je me plais à m’attacher sur eux.
Par quel ordre du ciel, que je ne puis comprendre,
Vous dis-je plus que je ne dois,
Moi de qui la pudeur devrait du moins attendre
Que vous m’expliquassiez le trouble où je vous vois ?
Vous soupirez, Seigneur, ainsi que je soupire :
Vos sens comme les miens paraissent interdits.
C’est à moi de m’en taire, à vous de me le dire ;
Et cependant c’est moi qui vous le dis.
(Psyché, III, 3)
Psyché de Molière ?
La pièce (1671), considérée comme un divertissement ou une tragédie-ballet, fut représentée aux Tuileries.
Molière tira cette pièce d’une fable d’Apulée (Métamorphoses) : elle fut déjà mise en ballet par Benserade en 1656, puis en roman par La Fontaine (1671).
Son héroïne, Psyché, est une jeune fille si belle que Vénus en est jalouse et demande à l’Amour de la punir. La Scène entre l’Amour et Vénus forme le prologue. Les deux sœurs de Psyché, Aglaure et Cidippe, sont également jalouses d’elle. Arrivent deux princes qui font le cour à Psyché. Un messager vient chercher la jeune fille de la part de son père. Il a reçu des dieux l’ordre d’exposer sa fille dans un désert où elle sera dévorée par un monstre. Mais le monstre est l’Amour qui, touché par la beauté de Psychè, la transporte en un palais et l’épouse. Il ne met qu’une condition : c’est que Psychè ne lui demande jamais son nom. Mais Psyché, poussée par ses sœurs, insiste. Il disparait et le palais fait place au désert. Vénus, touchée par les larmes de l’Amour, intervient et obtient de Jupiter la grâce de Psyché.
Molière n’a écrit de cette pièce que le premier Acte, le premières scènes de l’Acte II et III. Le reste a été écrit, sur le plan que Molière avait arrêté, par Corneille. Quinault avait composé les vers destinées au chant.
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Date de dernière mise à jour : 22/03/2023