Phèdre : pièce morale
Préface de Phèdre (1677)
Racine, dans sa préface de Phèdre, annonce d’abord que la pièce correspond aux exigences d’Aristote (susciter «compassion et terreur »), puis qu’elle respecte les bienséances. Il aborde enfin ci-dessous la notion de la moralité du théâtre.
« ... Ce que je puis assurer, c’est que je n’en ai point fait [de pièces] où la vertu soit plus mise en jour que dans celle-ci. Les moindres fautes y sont sévèrement punies. La seule pensée du crime y est regardée avec autant d’horreur que le crime même. Les faiblesses de l’amour y passent pour de vraies faiblesses. Les passions n’y sont présentées aux yeux que pour montrer tout le désordre dont elles sont cause ; et le vice y est peint partout avec des couleurs qui en font connaître et haïr la difformité. C’est là proprement le but que tout homme qui travaille pour le public doit se proposer. [...] Il serait à souhaiter que nos ouvrages fussent aussi solides et aussi pleins d’utiles instructions que ceux de ces poètes [Aristote, Socrate, Euripide]. Ce serait peut-être un moyen de réconcilier la tragédie avec quantité de personnes célèbres par leur piété et par leur doctrine, qui l’ont condamnée dans ces derniers temps, et qui en jugeraient sans doute plus favorablement, si les auteurs songeaient autant à instruire leurs spectateurs qu’à les divertir, et s’ils suivaient en cela la véritable intention de la tragédie... »
A propos de la vraisemblance morale :
" J'ai même pris soin de la [Phèdre] rendre un peu moins odieuse qu'elle n'est dans les tragédies des Anciens, où elle se résout d'elle-même à accuser Hippolyte. J'ai cru que la calomnie avait quelque chose de trop bas et de trop noir pour la mettre dans la bouche d'une princesse qui a d'ailleurs des sentiments si nobles et si vertueux. Cette bassesse m'a paru plus convenable à une nourrice, qui pouvait avoir des inclinations plus serviles, et qui néanmoins n'entreprend cette fausse accusation que pour sauver la vie et l'honneur de sa maîtresse."
Un exemple de vertu dans Phèdre ? A l'Acte IV, on peut citer le plaidoyer d’Hippolyte (rigoureusement construit), injustement accusé : ne pouvant accuser son père qu’il respecte, il tente d’abord de se justifier en évoquant des lois générales de la conduite humaine ; puis il parle de ses origines de son éducation et de son caractère : « Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur. »
Il en est bien d'autres.
Du reste, Phèdre est jugée « parfaitement belle et chrétienne d’inspiration » par Port-Royal, ayant la notion nette du péché qu’elle va commettre et le commettant néanmoins parce que sa volonté est sans pouvoir sur ses passions, ce qui est entièrement conforme à la psychologie de Port-Royal pour qui le juste ne peut se sauver si la grâce lui est refusée (jansénisme). Dans sa Préface, Racine écrivait qu’il fallait que Thésée fût réputé mort pour que Phèdre osât faire cette déclaration d’amour « qu’elle n’aurait jamais osé faire tant que son mari était vivant. » Et il fallait qu’il revînt pout qu’elle entrât « dans cette agitation d’esprit qui la met hors d’elle-même » et la rende complice d’un crime.
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Date de dernière mise à jour : 25/02/2020