« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Gestes révélateurs au théâtre

Monsieur de Pourceaugnac et les médecins   À propos des gestes des comédiens de théâtre, Charles Dantzig écrit dans son Traité des gestes (Grasset, 2017) :

   « Les acteurs à gros jeu sont les plus populaires, car le public mal éduqué raffole inconsciemment du souvenir des farces du Moyen Age ; le remuement, de toute éternité, distrait ceux qui ne veulent pas comprendre. Type de jeu qui accompagne si souvent le théâtre de Molière. Depuis 1680[1] sont entrés au répertoire de la Comédie Française 1024 auteurs. Sur les 1024, le plus joué est Molière, 33 400 représentations. L’état du moliérisme de ce théâtre se remarque au fait que le suivant, Racine, n’a eu que 9 400 représentations. Disproportion extravagante montrant que Molière, c’est plus la France que Racine, ou plutôt, c’est plus les Français. Racine, c’est la France, Molière, c’est les Français. Gaudriole, pas d’effort, boum, boum badaboum. Le racinisme a peu de gestes. Quand Phèdre dit : « Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent », tout au plus fait-elle de petits battements des doigts près des joues, comme pour chasser des moustiques. De Molière, je garde quelques fééries comme Monsieur de Pourceaugnac, et le Tartuffe qui suffirait pour sauver un auteur, avec son idée de geste géniale dans la scène du « cachez ce sein que je ne saurais voir » ; ce n’est pas une gauloiserie que Molière révèle, mais que le pouvoir est hypocrite. Grande, grande, grande idée. Le pouvoir a besoin d’hypocrisie pour endormir la révolte qu’engendre toute autorité, et quelle est sa manière ? la plus simple affectation de sincérité. Tartuffe a des gestes francs. Eh ! « Gros et gras, le teint frais, et la bouche vermeille. » Quand il tire le mouchoir pour que Dorine le cache, ce sein qu’elle ne cherchait pas à montrer, quel geste déployé il doit avoir ! »

 

[1] Date de création de la Comédie Française. 

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