Gabrielle d'Estrées
Sonnet à la duchesse de Beaufort
Les Œuvres de Laugier de Porchères ont paru de 1597 à 1622. On le moque d’ordinaire pour ce sonnet consacré aux yeux de Gabrielle d’Estrées, duchesse de Beaufort (morte en 1599) et maîtresse d’Henri IV. Aux antipodes de Malherbe, il relève d’un maniérisme plein d’artifices.
Sur les yeux de Madame la duchesse de Beaufort
composé à la gloire de jeunes yeux
amoureux et dans lequel le poète,
attaché à louanger comme il faut, à célébrer
comme il convient leurs feux, leur mouvement, leur éclat,
leur lumière, renonce à trouver –
même dans le domaine du chimérique –
une image digne de leur être opposée.
*
Ce ne sont pas des yeux, ce sont plutôt des dieux,
Ayant dessus les rois la puissance absolue.
Des dieux ?... Des cieux, plutôt, par leur couelur de nue
Et leur mouvement prompt comme celui des cieux.
*
Des cieux ?... Non ! ... Deux soleils nous offusquant le vue
De leur rayons brillants clairement radieux...
Soleils ?... Non !... Mais éclairs de puissance inconnue,
Des foudres de l’Amour signes présagieux (1)...
*
Car s’ils étaient des dieux, feraient-ils tant de mal ?
Si (2) des cieux, ils auraient leur mouvement égal.
Deux soleils ?... Ne se peut : le soleil est unique.
*
Éclairs ?... Non : car ceux-ci (3) durent trop et trop clairs.
Toutefois je les nomme, afin que je m’explique :
Des yeux, des dieux, des cieux, des soleils, des éclairs (4).
Notes
(1) Terme usité au 17e siècle.
(2) Ellipse du verbe : s’ils étaient des cieux.
(3) Les yeux.
(4) Courteline a cité ce sonnet dans son acte en vers : La conversion d’Alceste, 1905.
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Date de dernière mise à jour : 18/04/2020