Corneille : psycho
Fontenelle, neveu de Corneille, écrit : « La vie de M. Corneille, comme particulier, n’a rien s’assez important pour mériter d’être écrite ; et à le regarder comme un auteur illustre, sa vie est proprement l’histoire de ses ouvrages. »
Corneille n’avait en effet rien de l’homme du monde ; il disait de lui-même : « Comme Dieu m’a fait naître mauvais courtisan, j’ai trouvé dans la cour plus de louanges que de bienfaits, et plus d’estime que d’établissement. »
La Bruyère a donné un excellent portrait de Corneille, en 1690, six ans après sa mort, dans ce passage célèbre : « Un autre[1] est simple, timide, d’une ennuyeuse conversation : il prend un mot pou un autre, et il ne juge de la bonté de sa pièce que par l’argent qui lui en revient[2] ; il ne sait pas la réciter, ni lire son écriture. Laissez-le s’élever par la composition : il n’est pas au-dessous d’Auguste, de Pompée, de Nicomède, d’Héraclius ; il est roi, et un grand roi ; il est politique, il est philosophe ; il entreprend de faire parler des héros, de les faire agir ; il peint les Romains ; ils sont plus grands et plus Romains dans ses vers que dans leur histoire. »
Evidemment, les contemporains ont été frappés du contraste, chez celui qu’ils appelaient « le bonhomme Corneille », entre l’individu et son génie. Citoyen paisible et timide, marguillier de sa paroisse, père de famille se ruinant pour ses enfants, il ne se croit aucune fonction sociale ni politique. Mais il est grand par l’esprit « qu’il avait sublime », dit encore La Bruyère[3].
On ne saurait trop souligner l’opposition absolue qui existe entre la religion de Corneille et celle de Racine : Corneille ne croit pas à l’incompatibilité entre la dévotion chrétienne et le théâtre alors que Racine, du jour où il se convertit, renonce à composer des tragédies (sauf Esther et Athalie, pour Saint-Cyr.
Date de dernière mise à jour : 02/08/2023