Mme de Sévigné contre Descartes
Mme de Sévigné contre l'idée cartésienne de « l'automatisme des bêtes »
La théorie de l’automatisme des « bêtes », comme dit Descartes, ne séduit ni la princesse Palatine, toujours entourée d’une dizaine de petits chiens, ni Mlle de Scudéry, ni Mme de Sévigné qui affectionne sa chienne galamment nommée Morphyse.
Elle écrit le 23 mars 1672 à la fin d’une lettre à sa fille Mme de Grignan qui, elle, admettait la thèse cartésienne :
« Parlez un peu au Cardinal [de Retz] de vos machines (sic), des machines qui aiment, des machines qui ont une élection pour quelqu’un, des machines qui sont jalouses, des machines qui craignent : allez, allez, vous vous moquez de nous ; jamais Descartes n’a prétendu nous le faire croire. »
Mme de Sévigné écrit ailleurs : « Plus je vois les hommes, plus j’admire les chiens. »
A propos des animaux-machines
C’est en Allemagne, enfermé dans son « poêle » (en fait une chambre chauffée par un poêle) que Descartes eut l’intuition de son système au cours d’un rêve prophétique. C’est dans les Méditations qu’on assiste aux différentes étapes de son itinéraire spirituel. On sait que la clef de voûte du système, c’est le cogito. Même si mes pensées sont douteuses, confuses et fausses, il est certain que je pense. Ainsi, la réflexion philosophique déplace le centre d’intérêt des choses pensées à l’esprit pensant, de l’objet au sujet. C’est à cause de cette évidence première de l’esprit pensant que Descartes déclare que l’âme est plus aisée à connaître que le corps. Dans son système, à la substance pensante – esprit pur – s’oppose la substance étendue, matière pure. La matière n’est que de l’étendue et du mouvement. Il fonde ainsi, du même coup, une métaphysique spiritualiste de l’âme et une science mécaniste de la matière. Même la biologie se ramène à la mécanique, et pour lui les animaux ne sont que des « machines »
Les petits chiens de Mme de Sévigné
Le 13 novembre 1675, Mme de Sévigné écrit à sa fille :
« … Vous êtes étonnée que j’aie un petit chien ; voici l’aventure. J’appelais, par contenance, une chienne courante d’une Madame qui demeure au bout de ce parc (1). Mme de Tarente (2) me dit : « Quoi ! vous savez appeler un chien ? je veux vous en envoyer un le plus joli du monde. » Je la remerciai, et lui dis la résolution que j’avais prise de ne me plus engager dans ces sortes d’attachements. Cela se passe, on n’y pense plus. Deux jours après, je vois entrer un valet de chambre avec une petite maison de chien, toute pleine de rubans, et sortir de cette jolie maison un petit chien tout parfumé, d’une beauté extraordinaire, des oreilles, des soies, une haleine douce, petit comme Sylphide, blondin comme un blondin ; jamais je ne fus plus étonnée, et plus embarrassée. Je voulais le renvoyer, on ne voulut jamais le reporter : c’était une femme de chambre qui en avait soin, qui en a pensé mourir de douleur. C’est Marie (3) qui l’aime ; il couche dans sa maison, dans la chambre de Beaulieu (4) ; il ne mange que du pain. Je ne m’y attache point, mais il commence à m’aimer ; je crains de succomber. Voilà l’histoire que je vous prie de ne point mander à Marphise (5) à Paris, car je crains les reproches ; au reste, une propreté extraordinaire ; il s’appelle Fidèle… ».
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Notes
(1) Le parc de la propriété des Rochers.
(2) Fille de Guillaume V, landgrave de Hesse-Cassel et femme d’Henri-Charles de la Trémoïlle, prince de Tarente, fils du duc de la Trémoïlle, elle demeure souvent en Bretagne, tout près de Vitré, et se trouve ainsi voisine de Mme de Sévigné.
(3) Servante de Mme de Sévigné.
(4) Maître d’hôtel de Mme de Sévigné.
(5) Une autre chienne de Mme de Sévigné.
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Date de dernière mise à jour : 20/10/2017