« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Mlle de Scudéry parodiée

Parodie du portrait : Boileau contre Mlle de Scudéry

   Dans son Dialogue des héros de roman à la manière de Lucien[1], Boileau a raillé la fadeur habituelle des portraits à la mode, en faisant lire devant Pluton par Sapho[2], la poétesse grecque, ce portrait de Tisiphone, l’une des trois Furies (au milieu ci-dessous) :

Les Furies

   « Tisiphone a naturellement la taille fort haute, et passant de de beaucoup la mesure des personnes de son sexe ; mais pourtant si dégagée, si libre et si bien proportionnée en toutes ses parties, que son énormité même lui sied admirablement bien. Elle a les yeux petits, mais pleins de feu, vifs, perçants et bordés d’un certain vermillon qui en relève prodigieusement l’éclat. Ses cheveux sont naturellement bouclés et annelés, et l’on peut dire que ce sont autant de serpents qui s’entortillent les uns dans les autres et se jouent nonchalamment autour de son visage… »

   Le roman pastoral ou le roman d'aventures cher à Mlle de Scudéry ne trouve pas davantage grâce à ses yeux et le Discours préliminaire de ce dialogue atteste l’intention très nette d’attaquer « non seulement le peu de solidité de ces romans, mais leur affèterie précieuse de langage, leurs conversations vagues et frivoles, les portraits avantageux faits à chaque bout de champ de personnes de très médiocre beauté et quelquefois laides par excès, et tout ce long verbiage d’amour qui n’a point de fin. »

  Dans L’Art poétique, Boileau se moque de la Rome imaginée par Mlle de Scudéry dans Clélie :  

« Gardez donc de donner, ainsi que dans Clélie,

L’air ni l’esprit français à l’antique Italie ;

Et sous des noms romains faisant notre portrait,

Peindre Caton galant, et Brutus dameret. »

 

[1] Écrit en 1665 et publié seulement en 1710 après la mort de Mlle de Scudéry, qu’il avait craint de chagriner par sa satire. Heureuse époque !

[2] Surnom que Mlle de Scudéry se donne elle-même.  

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