Mlle de Scudéry et Versailles
Mlle de Scudéry dédie au roi Louis XIV sa "Promenade de Versailles" (1669)
Louis XIV ne s’installa définitivement à Versailles qu’en mai 1682. Le château était perpétuellement en travaux. En 1669, autant dire que c’était la première mouture du fameux « château de cartes » de Louis XIII. Le tableau de Pierre Patel (ci-dessus) est un témoignage remarquable de cette époque.
Extraits de La Promenade de Versailles
[Mlle de Scudéry accompagne une « Belle Étrangère » qui visite le château de Versailles en compagnie de Glicère et Télamon.]
« Divers rangs de bustes ornent la façade du bâtiment et les deux ailes aussi, dont un magnifique corridor [balcon] à balustres dorées fait la communication et règne ensuite tout à l’entour du palais […].
Je menai la Belle Étrangère dans l’appartement de la Reine, dont toutes les diverses pièces ont des plafonds fort beaux et fort différents […]. Mais en cet endroit, ayant passé sur le corridor, la Belle Étrangère, Glicère et Télamon firent un cri d’admiration pour la beauté de la vue […]. « J’ai vu beaucoup de belles maisons en divers lieux de l’Europe, dit Télamon, mais je n’ai jamais vu que celle-ci qui soit environnée de jardins de tous les côtés ; car si vous y prenez garde, il n’y a que l’entrée qui n’en ait point, encore est-elle ornée par de grandes avenues qui valent bien un jardin. »
Ensuite, toutes ces personnes étant passées dans le grand cabinet, elles firent encore une exclamation pleine d’étonnement, qui me témoigna qu’elles étaient fort surprises de la magnificence d’un si beau lieu […]. Glicère considérait de petits obélisques d’orfèvrerie, des corbeilles, des vases, des guéridons, des brasiers, des cassolettes et mille autres choses, ne pouvant assez s’étonner de voir aussi des fauteuils de filigrane d’argent sur un fond bleu, où l’on voit le soleil à tous les dossiers et dont le prix fait assez connaître la beauté. »
Analyse du tableau de Patel
Il est titré Vue du château et des jardins de Versailles et date de 1668. Il s'agit du premier Versailles. Dans son Dictionnaire amoureux de Versailles (Plon, 2013), Franck Ferrand nous en livre une description : en bas à droite, on remarque un carrosse rouge [couleur royale, cf. talon rouges], celui du roi, attelé à six chevaux bais, suivi des mousquetaires et du carrosse doré de la reine, attelé à six chevaux blancs. Sur les toitures, on peut remarquer les lucarnes et pots-à-feu ; des bustes de marbre ornent les parements de briques ; il faut noter également le péristyle, les grilles, les ferronneries ouvragées, les rampes en hémicycle ponctuées d'obélisques et les parterres plantés d'ifs taillés.
Hélas ou tant mieux, Louis XIV ne se satisfait pas de l'ouvrage : encore une quinzaine d'années de travaux !
Fin mars 1683, Mme de Maintenon fait recevoir à Versailles la vieille Mlle de Scudéry (une vieille amie du Marais) qui veut remercier le roi d’une pension de 2 000 livres. Mme de Sévigné écrit : « Elle fut reçue en toute perfection, c’était une affaire que de recevoir cette merveilleuse muse. »
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