Mlle de Scudéry et amour précieux
Citations
Voici quelques préceptes contenus dans Le Grand Cyrus :
* « Je veux qu'on espère d'être aimé, mais je ne veux pas qu'on espère rien davantage, car enfin c'est selon moi la plus grande folie du monde de s'engager à aimer quelqu'un, si ce n'est dans la pensée de l'aimer jusques à la mort. »
* « J'entends qu'on m'aime ardemment, qu'on n'aime que moi et qu'on m'aime avec respect. »
* « Je veux même que cet amour soit un amour tendre et sensible, qui se fasse de grands plaisirs de fort petites choses, qui ait la solidité de l'amitié et qui soit fondé sur l'estime et l'inclination. »
* « Je veux de plus que cet amant soit fidèle et sincère ; je veux encore qu'il n'ait confident ni confidente de sa passion et qu'il renferme si bien dans son cœur tous les sentiments de son amour que je puisse me vanter d'être seule à les savoir. »
* « Je veux aussi qu'il me dise tous ses secrets, qu'il partage toutes mes douleurs, que ma conversation et ma vue fassent toute sa félicité ; que mon absence l'afflige sensiblement ; qu'il ne me dise jamais rien qui puisse me rendre son amour suspect de faiblesse, et qu'il me dise toujours tout ce qu'il faut pour me persuader qu'il [l'amour] est ardent et qu'il sera durable. »
* « Je veux un amant sans vouloir un mari et je veux un amant qui, se contentant de la possession de mon cœur, m'aime jusqu'à la mort, car si je n'en trouve un de cette sorte, je n'en veux point. »
* « L'amant doit toujours témoigner tout son amour et l'amante doit se contenter de lui permettre de deviner tout le sien. »
Tout ceci fait l'objet d'une conversation entre Sapho (Mlle de Scudéry) et Cydnon. On peut comprendre dès lors que Mlle de Scudéry ait pu dire par ailleurs que « le roman est un genre important, nullement futile, un instrument de civilisation. » Il s'agissait précisément de civiliser quelque peu le sentiment amoureux qui restait encore bien cavalier.
Remarques : dans le texte original, « amour » est au féminin mais nous l'avons mis au masculin. Par ailleurs, il faut noter le glissement ou l'appauvrissement du sens de certains termes.
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Au Moyen Age
La théorie de l’amour précieux de Madeleine de Scudéry et de la Carte de Tendre remonte jusqu’au fin‘ amor inventé par les troubadours qui postulait que la dame courtisée sait mieux que son prétendant ce qu’est l’amour et c’est donc elle qui le guide. Il y une sorte de soumission féodale de l’amant envers sa dame, qui détient et garde la maîtrise du jeu amoureux. Il ne s’agit pas d’un amour platonique ou virtuel, mais réel, qui monte en degré et sur lequel la dame a la haute main. C’est visiblement le désir féminin qui attise le jeu. La dame aimée n’est pas onirique mais charnelle et le fin’ amor est érotique.
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Date de dernière mise à jour : 22/04/2020