Généralités sur le 17e
I. Le XVIIe siècle, dit classique, ou le culte de la pensée « vraie »
Malherbe, Descartes et la société mondaine – malgré ses extravagances superficielles - s’accordent sur ce point : notre dignité consiste dans la pensée. Le but de la pensée est le vrai : en littérature comme en philosophie, dès qu’on pense, ce n’est que pour chercher la vérité. Ce culte du vrai est le principe fondamental des œuvres classiques.
Elles se définissent par un autre élément évidemment ; sans cela elles seraient dès le début du 17e siècle ce qu’elles devinrent un siècle plus tard, quand le principe du cartésianisme eut tout envahi : sèches, abstraites, logiques, sans caractère esthétique autre que celui (plutôt géométrique que littéraire) qui résulte de la notation exacte de l’idée. Pourtant, ce sont des œuvres d’art.
C’est qu’à ce goût de la raison se mêla l’influence de la tradition antique. Le souci de la forme, l’idéal de la beauté furent maintenus par le respect des modèles grecs et romains. L’idée d’une vérité artistique, concrète et sensible, l’idée d’un vrai qui demeurât naturel et réel se substitua à l’idée de la vérité scientifique, sèche et abstraite. C’est à quoi travaillèrent tous ceux qui eurent le culte de l’antiquité. Ainsi, de Ronsard, par Malherbe, se prolongea jusqu’à Boileau et jusqu’aux grands écrivains de 1660 la tradition d’un art littéraire qui neutralisa ou restreignit les effets du rationalisme cartésien.
La perfection des œuvres classiques consiste précisément à combiner les deux formules, esthétique et scientifique, de la littérature, de façon que la beauté de la forme manifeste la vérité du fond.
II. Allons plus loin
Le souvenir des désordres et de l’anarchie qui ont ravagé le 16e siècle ne cesse pas de hanter le 17e siècle : surtout, ne pas y retomber ! On accepte ainsi joyeusement toutes les disciplines et le siècle se fait chrétien et monarchique.
L’inspiration religieuse rayonne en effet à travers ses chefs-d’œuvre. Un courant de ce qu’on peut appeler « naturalisme » affleure parfois chez Molière et La Fontaine, mais il demeure sans effet : nulle voix ne remet en question les principes directeurs de la foi et n’attaque la puissance temporelle de l’Église. Les seules disputes sont des querelles entre théologiens sur des points de dogme.
Il se soumet à l’ordre monarchique : on aime le roi censé assurer la prospérité, la grandeur et la gloire de la France. Le respect de la personne royale est en somme la forme du sentiment national. Cela est sensible surtout avant 1660 : après cette date, Louis XIV veut être aimé et servi pour lui-même.
La littérature respecte les cadres sociaux, la hiérarchie, les pouvoirs temporels et spirituels ; elle n’est pas militante et tient pour résolue les questions sociales, écartant les grandes questions métaphysiques (essentiellement révolutionnaires dans leur essence). Elle s’intéresse à la seule observation psychologique ; les seuls préceptes qu’elle prétend dégager concernent la morale individuelle. Une littérature à la fois psychologique et moralisante donc ; sous l’influence de la tradition gréco-romaine, elle cherche à donner à ces vérités psychologiques et morales une forme artistique (cf. supra).
III. Le tournant : contraste et continuité des 17e et 18e siècles
On sait que le premier 18e siècle rejettera les autorités traditionnelles, érigera la raison en juge universel et cherchera à légiférer pour l’humanité entière, s’intéressant davantage aux questions sociales qu’à la psychologie. Tous ces caractères dérivent du siècle précédent.
* Décadence des autorités traditionnelles
L’Église s’affaiblit tout au long du 17e siècle. La fureur des disputes théologiques, le recours des théologiens à l’arbitrage de la raison laïque, l’hypocrisie développée par la dévotion officielle de la cour, les manifestations temporelles de la puissance ecclésiastique (persécutions contre les jansénistes, révocation de l’Édit de Nantes), autant de causes qui jettent le discrédit sur elle. La renaissance religieuse aboutit donc à son contraire : dévotion politique, intolérance et cruautés.
Mais où donc aboutissent aussi la restauration du pouvoir monarchique ? À la guerre, à la famine aux lourds impôts, aux abus financiers. Les fautes et la misère du règne de Louis XIV font haïr le despotisme. L’idée de la fonction sociale de la royauté tend à s’effacer et on commence à voir l’exploitation de tous par un seul. Quant à la noblesse, son autorité est quasi nulle : elle n’est plus qu’un moyen pour les riches d’échapper à l’impôt et devient odieuse aux pauvres qui le paient.
À la mort de Louis XIV, on peut dire que la banqueroute de l’Église, de la noblesse et de la royauté, c’est-à-dire de toutes les puissances de l’Ancien Régime, est faite ou imminente.
La réaction aristocratique qui se produira alors (après 1715) ne fera qu’empirer les choses. Les nobles essaieront de reprendre le pouvoir, de noyauter la royauté et de la séparer de la bourgeoisie naissante à l’heure précise où cette dernière prendra conscience de sa supériorité intellectuelle, morale et économique. Ils chercheront pareillement à l’évincer de l’Église, mettant dans les évêchés et archevêchés, à la place des solides docteurs en théologie que la bourgeoisie fournissait à Louis XIV, leurs cadets frivoles et ignorants, des hommes de peu de zèle et de peu de foi. Du coup, l’Église cessera de compter parmi les forces intellectuelles du siècle ; et la royauté, confisquée par les égoïsmes de cour, cessera d’être une force dans la nation.
* Diffusion du rationalisme
Or Église et royauté avaient étroitement limité le champ d’application du grand principe proclamé par le 17e siècle : l’autorité de la raison. Ces digues rompues, il envahira tout. C’est sa permanence qui établit la continuité profonde des deux siècles : le 17e siècle l’a défini et le 18e le développera dans toutes les directions. Du juge souverain dans un domaine circonscrit, la raison deviendra subitement juge souverain dans tous les domaines : aucune question n’est plus intouchable, pas même la foi.
Il importe d’insister sur ce point, car la destruction du principe de la foi entraînera tout avec elle ; c’est sur ce point capital que le 18e siècle portera son effort. Dès la fin même du 17e siècle, le principe de la foi apparaît comme profondément miné par le rationalisme qu’il prétend endiguer ; ce travail préparatoire est surtout l’œuvre de Fontenelle (Histoire des Oracles, 1687) et de Pierre Bayle (Dictionnaire historique et critique, 1697).
IV. Un peu de chronologie
* La préparation des chefs-d’œuvre avec Malherbe et sa réforme artistique, l’organisation de la société précieuse, le rationalisme de Descartes et une tentative de définition de l’esprit classique (cf. supra)
* La première génération des grands classiques avec le théâtre moderne (son origine et l’établissement des quatre unités) et Corneille ; la réforme catholique (le jansénisme) et Pascal.
* La seconde génération avec les « mondains » : La Rochefoucauld, Mme de La Fayette, Mme de Sévigné et Retz.
* La seconde génération avec les grands artistes classiques : Boileau, Molière (origines de la comédie moderne et farces), Racine, La Fontaine et Bossuet.
* La troisième génération : la fin de l’âge classique avec la querelle des Anciens et des Modernes, La Bruyère et Fénelon.
Sources : Manuel illustré d’histoire de la littérature française, Lanson et Tuffrau, Hachette.
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Date de dernière mise à jour : 12/10/2017